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Objecter à la journée défense et citoyenneté ?

Jean-François Aupetitgendre

Actuellement, en France, le service national n’a été que « suspendu ». En cas d’ordre de mobilisation, les personnes qui refusent de prendre les armes seront sévèrement punies par la loi si elles n’ont pas fait acte d’objection de conscience.

La journée d’appel nommée Journée Défense et Citoyenneté (JDC) que doivent faire tous les jeunes hommes et toutes les jeunes filles est bien une journée d’incorporation. Les jeunes gens qui acceptent de participer à cette JDC, doivent savoir qu’ils seront automatiquement mobilisés, réquisitionnés, embrigadés en cas de conflit armé.

Ne plus accepter de tuer autrui est sévèrement puni par la loi

La JDC n’est rien d’autre qu’un recrutement déguisé. En cas de conflit, quiconque ayant assisté à cette journée pourrait être mobilisé et serait considéré comme déserteur en cas de désobéissance. Il est bon alors de rappeler le code de justice militaire. (1)
Tout militaire coupable de désertion (2) à l’intérieur, en temps de paix, est puni de trois ans d’emprisonnement, et cela peut monter à dix ans en temps de guerre ou sur le terrain d’un état de siège. (3)
La situation empire si la décision de quitter les armes se fait à deux ou davantage. Il s’agit alors d’un "complot" passible, en temps de paix, d’un emprisonnement de cinq ans, et de dix ans en temps de guerre. (4)

En cas d’état d’urgence aussi

Il est bon de signaler qu’une mobilisation peut intervenir en cas de danger extérieur mais aussi intérieur. La notion de danger est étendue bien au-delà de l’agression armée d’un pays étranger, à un péril imminent résultant d’une guerre ou d’une insurrection armée. Elle se décline en guerre, état de siège, état d’urgence. Sachant cela, on peut imaginer que le pouvoir exécutif décide un jour de décréter l’état d’urgence pour réprimer une révolte sociale (5).

Faire valoir son droit à l’objection

Il sera donc extrêmement difficile pour les réfractaires, en situation de guerre, d’état de siège ou état d’urgence, de s’opposer à la répression, d’autant que dans tous ces cas, l’autorité policière et judiciaire est transmise à l’armée. Si une personne a déclaré être objecteur avant la situation de crise, elle pourra faire jouer le droit à l’objection qui est reconnu tant en France qu’en Europe. Au pire, elle sera envoyée dans un service de protection civile. Si rien n’a été dit, une fois la crise engagée, c’est le tribunal militaire avec les peines de désertion à la clé.

Objecter lors de la Journée défense et citoyenneté

Il est donc important d’informer correctement les jeunes sur les risques associés à suivre cette journée d’incorporation militaire sans se déclarer objecteurs. L’encadré joint à cet article présente un modèle de lettre que les jeunes qui souhaitent être objecteurs de conscience peuvent présenter lors de la Journée Défense et Citoyenneté.

Objecter quand on a déjà réalisé son incorporation

Mais il est également possible d’objecter lorsque l’on a déjà réalisé sa journée d’incorporation. On peut alors écrire à son bureau de recrutement une lettre réclamant le droit à être reconnu comme objecteur et expliquant qu’au moment de cette journée, aucune explication de la loi relative à l’objection n’avait été donnée (nul n’étant sensé ignorer la loi, une journée citoyenne aurait dû informer sur le sujet !).

Refuser la journée défense et citoyenneté

Certains peuvent être tentés de refuser cette JDC (6). Il faut savoir alors que c’est un engagement qui peut être lourd de conséquences : l’interdiction de s’inscrire à tous les examens et concours publics (y compris le permis de conduire) ; certaines professions peuvent vous être fermées ; des poursuites judiciaires peuvent être engagées contre vous. Si vous décidiez toutefois de suivre cette voie difficile, vous auriez tout intérêt à vous intégrer dans un collectif capable de vous soutenir et surtout à présenter aux autorités des demandes d’objection types afin que la répression ne puisse être individualisée.

Jean-François Aupetitgendre

Jean-François Aupetitgendre est l’auteur de deux livres : "Le Porte-Monnaie, une société sans argent" et "La Commune libre de Saint Martin", parus tous deux aux Editions Libertaires.

(1) Toute personne recensée par l’autorité militaire et en âge d’être mobilisée, entre alors dans la catégorie des “militaires” et les textes ci-dessus s’appliquent à elle.
(2) l’article L321-2 du code de justice militaire (pour trouver le texte de l’article voir http://www.legifrance.gouv.fr/initRechCodeArticle.do
(3) Article L321-3 du code de justice militaire.
(4) Article L321-4 du code de justice militaire.
(5) code de la défense, article 1, modifié par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 176 (V).
(6) Voir Silence n° 426 p.31.

Comité pour l’intervention civile de paix, c/o MAN, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris , tél : 01 45 44 48 25, www.interventioncivile.org.
Les Désobéissants, www.desobeir.net.
Anarchisme et non-violence, http://anarchismenonviolence2.org

Comment devenir objecteur ou objectrice de conscience à la Journée Défense et Citoyenneté

Modèle de lettre à remettre lors de cette journée :
"Dans le contexte actuel de suspension de la conscription, l’appel sous les drapeaux peut être "rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l’exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent" (Loi portant réforme du service national du 28 octobre 1997, L. 112.2).
Selon mes informations, l’objection de conscience est un droit reconnu par les articles L. 116.1 à L. 116.9 du Code du Service National dont les dispositions ne sont pas abrogées, mais simplement suspendues par la loi n° 97.1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du Service National. Cela signifie que les personnes concernées ne pourront demander à bénéficier de ces dispositions qu’au moment du rétablissement de l’appel sous les drapeaux. En cas d’appel sous les drapeaux redevenu obligatoire "si les conditions de la défense de la Nation l’exigent", il pourrait être difficile pour les services compétents de traiter dans l’urgence et massivement des demandes d’objection de conscience.
C’est pourquoi je désire manifester dès maintenant mon refus d’un service militaire armé pour motif de conscience et vous remettre ma demande de bénéficier du droit à l’objection de conscience exprimé dans les articles L.116.1 à L.116.9. Mes convictions basées sur la recherche de la bonne entente collective me conduisent à d’autres formes d’engagement pour la nation et les peuples qu’un service militaire armé qui redeviendrait obligatoire.
Je vous prie d’ajouter ce courrier à mon dossier de cette Journée Défense et Citoyenneté et j’en garderai copie moi-même".

Pour les internautes, cette lettre se trouve sur le blog : http://aptgchronique.overblog.com.

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