Éditorial Alternatives

Colonialisme, tourisme et alternatives

Michel Bernard

« Il est encore en Europe un pays capable de législation : c’est l’île de Corse. La valeur et la constance avec laquelle ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette île étonnera l’Europe »
Jean-Jacques Rousseau
Dans Le contrat social, 1764.

Sur trois millions de visiteurs par an, combien se sont renseigné sur le passé de la Corse ? Combien savent que pendant deux siècles, l’île de beauté a subi des lois d’exception qui ont détruit sa langue, sa culture, son autonomie alimentaire et énergétique (1). Combien comprennent que le tourisme de masse actuel poursuit, sous une forme de domination plus diffuse, une même volonté d’asservissement ?
Alors que l’économie de la Corse repose aujourd’hui pour l’essentiel sur la vente du soleil et des plages (2), l’heure n’est pas pour tous à la résignation. Cela a d’abord été depuis les années 1970, une montée du nationalisme, malheureusement « piégé » ou dévoyé par le recours à la violence pour une part, par des pratiques mafieuses pour une autre part et plus récemment par une frange de son électorat séduite par les thèses de l’extrême-droite.
Heureusement, comme partout, des initiatives alternatives voient le jour. Certaines sont le fait des Corses, d’autres de personnes qui sont venues s’installer sur l’île. Dans les reportages qui suivent, il sera intéressant de noter que parmi les initiatives les plus récentes, se trouvent reliées les questions écologiques, sociales et culturelles : relocalisation de l’économie, autonomie alimentaire, coopération, protection de l’environnement. L’insularité et la question d’une certaine forme de violence ajoutent au débat une nécessaire prise de conscience peut-être plus globale que dans d’autres régions.
Le remarquable travail de l’association pour une Fondation de la Corse que nous présentons en premier devrait pouvoir déboucher sur un renforcement des ces alternatives diverses et on se prend à rêver d’une Corse qui comme aux temps des Lumières, nous éblouirait non seulement par son soleil mais aussi par son modèle de société.

Michel Bernard.

(1) Ce n’est pas totalement fini. Il reste encore des domaines où la loi n’est pas la même dans l’hexagone et en Corse.
(2) L’agriculture ne représente que 2 % du PIB, l’industrie 15 %.

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