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Ces familles qui relèvent le défi de limiter leurs déchets

Camille Lecomte

Pendant 5 mois, 11 foyers volontaires ont relevé le défi de limiter au maximum leurs déchets et leur consommation. Retour sur une expérience encourageante.

Réduire notre production de déchets, soyons réalistes, nos modes de vie ne nous y incitent pas toujours. Si facile de jeter, de gaspiller… mais les pratiques changent et le recours à la réparation progresse. L’exemple des Foyers témoins le prouve.
Allonger la durée de vie des produits permet de retarder l’apparition de déchets. Mais concrètement comment agir au quotidien et pour quels résultats ? Pour répondre à ces interrogations, les Amis de la Terre ont imaginé une expérience « grandeur nature » : suivre pendant 5 mois des foyers volontaires dans leur recherche de solutions pour réparer leur biens, en trouver de seconde main ou encore participer aux initiatives citoyennes de partage de biens ou de savoirs. Onze familles issues de milieu rural ou urbain, en couple avec ou sans enfant ou encore en solo, ont relevé le défi avec succès : plus de 600 kg de déchets ont été évités et 31 biens ont été réparés. Retour sur cette expérience inédite.

L’achat d’occasion, plébiscité, la réparation en bonne voie

Avec la crise économique, de plus en plus d’objets s’échangent sur les sites de vente entre particuliers, lors des 50 000 brocantes organisées en France chaque année ou encore dans le cadre des zones de gratuité. Un téléphone portable, une tondeuse, des livres, au final plus de 36 biens ont été acquis par les familles dans le cadre de l’opération Foyers témoins. Un bémol : pousser la porte d’un réparateur continue d’être compliqué. Tout d’abord parce qu’en milieu rural les réparateurs sont de moins en moins nombreux ou encore parce que le prix des produits neufs est si bas que celui de la réparation paraît très élevé. Cécile, une des participantes a ainsi été étonnée au moment de passer à la caisse mais le plaisir de continuer à utiliser son bon vieux lecteur CD était là. Une bonne surprise néanmoins : avec des vidéos sur des sites en ligne, ou dans des ateliers pour apprendre à réparer, de nombreux objets reprennent vie. Après quelques opérations de nettoyage et de ré-installation de logiciels, l’ordinateur de Cécile passé par les mains d’un bénévole d’un Repair café (1) marche de nouveau. Malgré les rivets utilisés à la place de vis, Monica a réussi à changer la roue de sa valise. Pendant l’opération, 25 objets ont été réparés et 137 kg de déchets ont été évités ! Cinq appareils ont résisté et n’ont pu être réparés, parmi lesquels un aspirateur, un épilateur et une imprimante, en raison de l’absence de schéma de réparation, de pièces détachées, ou du manque d’outils.

Un autre regard pour sortir du système marchand et de la logique d’accumulation

Au-delà des difficultés à trouver les idées et adresses clés pour donner une seconde vie à ses produits (2), d’autres barrières existent. S’équiper en achetant d’occasion demande tout d’abord de s’affranchir de certaines règles sociales. Valérie Fayard, sociologue, s’intéresse aux nouvelles pratiques de consommation et notamment à l’achat de cadeaux d’occasion. Malgré l’adage « C’est l’intention qui compte », le cadeau est un indicateur de l’importance que l’on donne à la personne et à sa relation avec elle et donc cela peut être difficile de faire ce pas. Cependant, pour la sociologue, « s’affranchir de la convention du cadeau neuf équivaut à souligner l’absurdité du système marchand ». Absurde, le système marchand facilite aussi parfois le quotidien : avec les hypermarchés ou les zones d’activités, les consommateurs disposent de tous les critères de choix tant esthétiques qu’en termes de qualité et de prix. Pour acheter d’occasion en ligne, dans une recyclerie ou à Emmaüs, il faut en revanche, soit faire certaines concessions sur les critères, soit attendre plusieurs jours, voire semaines, pour dénicher le bien recherché. La sobriété n’est pas toujours la simplicité ! Sortir de l’ère de l’instantanéité appelle aussi à accepter de se passer de son lave-linge ou de son ordinateur deux semaines le temps de la réparation ou de trouver des alternatives. Enfin, si pour un des participants passer chez le cordonnier est ancré dans ses habitudes et ne lui prend que 5 min, quand on n’a pas l’habitude, il faut trouver l’information et prendre le temps d’aller un peu plus loin que dans le supermarché du coin. Ce temps peut néanmoins être agréable, ludique et familial : profiter d’une balade pour aller faire un tour à la brocante, recustomiser un meuble en famille, ou découvrir l’accueil sympathique des ateliers de réparation.

On y prend plaisir

Au départ, les motivations pour participer à cette opération étaient variées : sensibiliser les enfants, aller plus loin dans les gestes déjà adoptés (tri des déchets, lombricompostage, acheter en vrac, etc.) ou encore un changement lié à un déménagement ou à l’arrivée d’un enfant. À l’arrivée, beaucoup retiennent le plaisir passé à comprendre les rouages de leurs biens, à partager des récits de voyage avec les bénévoles des ateliers de réparation de vélo et ont l’envie de transmettre à leur tour.

Camille Lecomte

Les Amis de la Terre, 2B, rue Jules Ferry, 93100 Montreuil, tél : 01 48 51 32 22, www.amisdelaterre.org.

(1) Voir Silence n°423 p.19.
(2) Pour trouver des conseils pratiques et les adresses près de chez vous pour donner une seconde vie à vos objets, visitez le site des Amis de la Terre www.produitspourlavie.org

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