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Alternatiba : sauver le climat par le bas ?

Guillaume Gamblin

La dynamique des Alternatiba a pris son essor depuis 2013 : ce sont dans des dizaines de villages des alternatives qui ont été ou vont être organisées en France et ailleurs d’ici la conférence climatique de l’ONU de Paris en décembre 2015. Comment se situe ce mouvement parmi les acteurs sociaux et politiques mobilisés contre le changement climatique ? Entretien avec Guillaume Durin, politologue, participant à Alternatiba.

Silence : Comment est née l’idée de réaliser un premier Alternatiba à Bayonne en 2013 ?
Guillaume Durin : En 2012, les membres de l’organisation écologiste basque Bizi ont décidé de ne pas se laisser gagner par le fatalisme, tout en suivant plusieurs intuitions. Ils relayaient toutes les journées climat, pourtant à cette époque la mobilisation fonctionnait de moins en moins bien. La première de leurs intuitions venait du calendrier. Le prochain rapport du GIEC allait à coup sûr dresser un sombre constat. La seconde intuition était qu’il est possible de mobiliser autrement. Comment ? En partant des solutions, en mettant en valeur le changement positif auquel elles participent. Une coopérative d’habitat dans un immeuble éco-construit implique un surcroît d’intelligence collective. Elle crée par ailleurs du lien, de la redensification urbaine et de l’efficacité énergétique. Lorsqu’elle se connecte avec une épicerie solidaire, une association d’éducation populaire, une scène ouverte, une recyclerie et/ou une coopérative d’énergie, ce tissu d’interactions devient vecteur d’une transformation à la fois accessible, émancipatrice et désirable.

La stratégie d’Alternatiba est d’ouvrir le champ des partenaires au-delà des mouvements traditionnellement engagés dans l’écologie et contre le changement climatique. Comment cet élargissement peut-il se faire sans diluer le message politique ?
Partager en conscience ce n’est pas diluer. Partager nécessite tout d’abord de sortir de nos jargons. L’objectif principal d’Alternatiba est de montrer que les solutions existent, de dire clairement quel type de société elles construisent et en quoi celui-ci est enviable. L’ensemble des alternatives concernées pose des questions de fond.

Quels sont les positionnements politiques qui fondent Alternatiba ? Le mouvement se définit-il comme un mouvement d’écologie sociale ?
Alternatiba est orienté sur l’écologie sociale en soutenant les luttes contre toutes les formes de domination dont celle qu’exerce l’Homme à l’égard de la nature mais aussi celle qu’il exerce sur ses propres semblables. La multitude des groupes locaux qui composent le mouvement est convaincue qu’il faut un profond changement des modes de vie, de pensée et de production.

Des tentatives d’infiltration par l’extrême-droite ont eu lieu. Que s’est-il passé ? Comment a réagi le mouvement ?
Ces tentatives en sont restées à un stade assez velléitaire. Cependant, le Front National cherche à noyauter les mouvements sociaux et s’infiltre partout où s’exacerbent les tensions afin de récupérer les protestations. La coordination européenne des Alternatiba a adopté une position claire. Le mouvement est antiraciste et les militants du FN n’y sont pas les bienvenus.


Dans un contexte de défiance à l’égard des politiques, comment se positionne Alternatiba par rapport aux élus locaux ?

Les élus locaux subissent eux aussi la crise de légitimité frappant l’ensemble du système représentatif. Néanmoins, leur échelle d’action fait qu’ils sont souvent moins éloignés des demandes citoyennes locales et des initiatives de transformation, quant ils ne les portent pas eux-mêmes. Une chose est sure et le mouvement l’a bien comprise, il n’y a aucun niveau d’action qui puisse résoudre, à lui seul, la crise climatique. Alternatiba a choisi de valoriser le pouvoir d’agir populaire et de dialoguer avec les pouvoirs publics locaux engagés dans l’effort de transition, en prévoyant, le cas échéant, des espaces de présentation des alternatives municipales ou régionales.

Quel est le profil des personnes qui s’engagent dans Alternatiba ? Retrouve-t-on les militants écologistes habituels ?

Alternatiba fait converger de nombreux nouveaux-venus ayant l’expérience de la solidarité du quotidien, avec des gens qui sont porteurs de solutions très variées et des militants engagés de longue date. C’est même pour l’instant une de ses spécificités. En outre, quand on observe les événements organisés, on constate que l’idée selon laquelle les nouvelles générations ou les classes populaires seraient par principe indifférentes aux thématiques environnementales est fausse.

La stratégie d’Alternatiba est-elle de faire pression sur les ’négociations sur le climat’ qui se tiendront à l’ONU lors de la COP 21, et comment ?
Alternatiba s’emploie à mobiliser en valorisant les solutions présentes partout, indépendamment de l’action menée par les autorités nationales et internationales. Dans cette logique, si les élites politiques ne comprennent pas le message de l’urgence à aboutir à un accord international ambitieux, juste et contraignant, leur légitimité s’en trouvera fortement affectée. D’ailleurs, le mouvement n’a pas comme seul horizon la COP21 de Paris 2015. Cette conférence ne sera ni la première ni la dernière réunion de ce type. Elle peut produire un certain nombre d’avancées mais aussi d’importants reculs. Les gens doivent pouvoir se faire une opinion et en débattre.

Quel est le public des Alternatiba ? Quels impacts constatez-vous sur les personnes qui s’y rendent ?
Les temps forts auxquels j’ai pu assister ont rassemblé un public constitué de gens qu’on ne voit pas souvent dans les mouvements écologistes ou sociaux. Ces moments festifs attirent au delà du cercle des engagés chroniques. Les 12 000 personnes venues à Bayonne en octobre 2013 ou les 15 000 personnes présentes à Bordeaux en octobre 2014 s’y sont rendues initialement soit parce que l’une des solutions présentée ou une conférence les intéressaient, soit tout simplement pour l’animation et le plaisir de croquer une tartine paysanne en entendant chanter un groupe « du cru ». Ils y trouvent l’occasion d’approfondir leur point de vue, de se mettre eux-mêmes en action et de constater qu’ils ne sont pas les seuls à partager l’espoir d’un mode de vie plus écologique, plus convivial et plus juste.

Propos recueillis par Guillaume Gamblin


Comment se situe Alternatiba par rapport à des mouvements comme les Villes en transition, les Colibris, EELV, Réseau Action climat ?
EELV est un parti politique avec ses propres objectifs et modes d’action. Alternatiba n’en est pas un. Les Colibris sont signataires de l’appel qui a lancé le mouvement. Pour ce qui est de Territoires en transition, Alternatiba partage ses buts et tâche de tenir compte de leurs avancées. Le mouvement est partenaire du Réseau Action Climat qui soutient sa dynamique.

Alternatiba, http://alternatiba.eu. Il n’y a malheureusement qu’un contact par leur site internet, sur lequel il y a notamment un kit méthodologique pour organiser un événement dans sa localité.

Appel à volontaires pour le climat

Du 5 juin au 26 septembre 2015, le vélo 4 places d’Alternatiba parcourra 5000 kilomètres pour le climat entre Bayonne et Paris. Symbole de la transition écologique, de la solidarité et de l’effort collectif, ce drôle de vélo traversera 180 territoires de 6 pays Européens, pour porter encore plus fort le message d’Alternatiba : non seulement les alternatives au dérèglement climatique existent, mais en plus, elles contribuent à construire un monde meilleur : plus juste, plus solidaire, plus convivial, bref, plus humain ! Afin de préparer ce tour bien à l’avance, Alternatiba lance dès maintenant un appel à volontaires. Si vous voulez faire partie de l’aventure, rejoignez les volontaires du Tour Alternatiba sur www.alternatiba.eu/volontaire

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