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Sur les terres de l’abstention et du FN, un maire résiste par l’écologie

Lorène Lavocat

A Grande-Synthe, où l’abstention a battu un record et le FN obtenu 40 % des voix aux dernières élections européennes, le maire s’est fait réélire en mars pour un troisième mandat grâce à un programme résolument écologiste.

Grande-Synthe est la quarante-septième ville la plus pauvre de France. L’image d’une cité pauvre et polluée lui colle à la peau.
La politique, Damien Carême est tombé dedans quand il était petit. Son père, René Carême, a dirigé la ville de Grande-Synthe de 1971 à 1992. Le fils Damien décide de se présenter en 2001. Sa liste sort victorieuse des élections, et il est réélu maire en 2008 et 2014.
Pragmatique plutôt qu’idéaliste, il se dit socialiste avant d’être écologiste : « Les populations en difficulté sociale seront les plus touchées par les problèmes environnementaux. »

Alternatives tous azimuts

Gestion différenciée et raisonnée des espaces verts, introduction de l’éco-pâturage, création de jardins partagés, d’une université populaire, passage au 100 % bio dans les cantines, construction de logements sociaux économes en énergie... La liste des initiatives est imposante.
Comment est-ce possible ? La ville de Grande-Synthe, malgré ses 24 % de chômeurs et ses 35 % d’habitants sous le seuil de la pauvreté, est très riche d’un point de vue fiscal. « Avec les dotations de solidarité urbaine et les impôts que paye Arcelor, nous avons les recettes fiscales d’une ville de 80 000 habitants, alors que nous ne sommes que 21 000 », explique Damien Carême. Comme pour la cantine : la loi exige 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. La mairie a décidé de passer à 100 %, quitte à absorber par les impôts le surcoût de 25 % par repas.

Vert mais pas tout rose

Le maire a été réélu en mars 2014, dès le premier tour, avec 53 % de suffrages, malgré la concurrence de cinq autres listes. Damien Carême se retrouve souvent en porte-à-faux avec le Parti socialiste, dont il est membre. Mais il garde sa carte : « Si j’étais chez les Verts, on dirait que je fais tout ça parce que je suis écolo ! »
Autre récompense pour une commune industrielle : Grande-Synthe a été élue capitale de la biodiversité en 2010. Pourtant, tout n’est pas rose dans cette ville verte. La population ne cesse de diminuer tandis que le chômage paralyse la vie économique. « Je reproche au maire sa ‘fixette’ sur la biodiversité », explique Sélima Chabab, conseillère municipale Divers gauche. Celle-ci pointe du doigt par ailleurs le cumul de plusieurs mandats régionaux par le maire.

Le changement par le haut

Pour son dernier mandat de maire, Damien Carême compte mettre les bouchées doubles : une ferme urbaine et une monnaie locale sont en projet. Grande-Synthe s’est d’ailleurs déclarée « ville en transition » depuis trois ans.
Mais le maire incarne tellement son projet que celui-ci paraît impensable sans lui. Même s’ils apprécient les initiatives engagées, les habitants restent peu investis.
L’abstention record (71 %) et le score de 40 % du FN aux élections européennes sonnent d’ailleurs comme un avertissement. Autre signe d’un désengagement de la population, la ville ne compte aucune association écologiste. Le maire avoue regretter le manque de relais citoyens, pour pérenniser la démarche. « Généralement, ce mouvement de transition écologique est initié par les habitants. Ici, c’est le contraire, c’est un mouvement descendant », admet-il.
Pour consolider son projet, Damien Carême veut attirer des populations plus aisées. « Cela nous permettrait de relancer le commerce local et la vie économique. »

Dans les rues, le long des trottoirs, des arbres fruitiers déploient leur feuillage. La centaine d’espèces de pommes locales est presque entièrement représentée. Pour Damien Carême, l’écologie, surtout par petites touches, peut transformer la ville et la vie des habitants.

Lorène Lavocat
www.reporterre.net

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