Brève Chronique Armes nucléaires Paix et non-violence

Elargir les failles

Patrice Bouveret

Pour le gouvernement français – et même plus globalement pour une très large partie de la classe politique – le désarmement nucléaire n’est pas à l’ordre du jour. La démarche entreprise par ICAN (1) avec l’implication notamment de la Norvège, du Mexique ou de l’Autriche, d’organiser les conférences d’Oslo, de Nayarit et de Vienne début décembre 2014, ayant pour but de mettre les conséquences humanitaires des armes nucléaires au cœur du débat, est considérée au mieux une « diversion ».
Pour le représentant permanent de la France auprès de la Conférence du désarmement à l’ONU, il s’agit même d’une approche dogmatique au nom de laquelle la France refuse toute négociation d’un traité d’interdiction des armes nucléaires… Un point de vue d’ailleurs largement partagé par les autres puissances nucléaires.
Reste que l’arme nucléaire soulève à nouveau des questions qui, certes, ne font pas encore descendre les français dans la rue en masse, mais qui commencent à être perceptibles au sein de la classe politique… Au point d’ailleurs de voir fleurir dans les enceintes ad hoc des argumentaires qui se veulent des contre-feux pour empêcher toute réelle ouverture d’un débat démocratique. Mais dans le même temps, leurs contre-attaques dévoilent les points faibles de leur système de défense, offrant des failles dans lesquelles il ne nous reste plus qu’à nous engouffrer…
C’est bien la question du financement qui se pose pour les pro-nucléaires. Différentes pistes sont examinées comme l’arrêt de la composante aérienne avec les Rafale, la non-permanence à la mer des sous-marins nucléaires ou encore l’étalement du programme de simulation qui permet la modernisation des armes. Avec un seul objectif : comment redimensionner la dissuasion – pour en réduire le coût budgétaire – sans remettre en cause la force de frappe ? Une véritable gageure, vu que les programmes de modernisation déjà votés par le Parlement vont conduire mécaniquement à une augmentation de la part consacrée aux armes nucléaires dans le budget d’équipement militaire… Et la seule parade qu’ils ont trouvée est de souligner la complémentarité avec les forces conventionnelles : ainsi toute atteinte aux forces nucléaires viendrait affaiblir l’armée !
À nous donc d’enfoncer le clou et d’appuyer sur ce gaspillage programmé des quelques quatre milliards d’euros dépensés chaque année au profit d’une arme dont le seul objectif semble être de permettre au président de la République de se sentir un « vrai » président (2) : de quoi également interpeller les parlementaires en charge d’adopter le budget de la France, alors que les dépenses sociales sont toutes révisées à la baisse.
Patrice Bouveret

Observatoire des armements, www.obsarm.org

(1) ICAN : campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires. Pour en savoir plus : http://icanfrance.org/
(2) Citation de m. Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique, lors de son audition devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale en mars 2013.

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