Brève Dossier Alternatives Esperanto

Aujourd’hui, la plupart des sociétés sont plurilingues

Divi Kerneis

L’apprentissage d’une seconde langue dite régionale se fait-il au détriment d’autres langues étrangères ? Constitue-t-il un handicap pour nos chers bambins ? Entretien avec le linguiste Gilbert Dalgalian.

Silence : Tout le monde parle français aujourd’hui en France, pourquoi parler une langue supplémentaire ?


Gilbert Dalgalian  :
Aujourd’hui, la plupart des pays sont plurilingues ainsi que leurs habitants. Le monolinguisme est minoritaire dans le monde. Il n’existe que dans les anciennes puissances coloniales telles que la France ou l’Angleterre. On pourrait tous tirer parti d’un plurilinguisme omniprésent en France car cela nous donnerait une force économique et culturelle supplémentaire.

L’anglais ou le chinois ne seraient-ils pas plus utiles ? La langue régionale ne risque-t-elle pas de prendre la place d’une autre dans le cerveau de l’enfant ?

L’anglais sera appris de toute façon lorsqu’il entrera dans l’environnement réel de l’enfant. L’enfant de moins de sept ans est un « hyper-apprenant ». Son cerveau est plastique et efficace. L’enfant bilingue est en position de force pour aborder ensuite une troisième langue, et ce d’autant plus qu’il possède une combinaison de deux langues très différentes. Il apprendra l’anglais en troisième position plus vite que son camarade monolingue qui apprend l’anglais en deuxième position. L’enfant bilingue a des transférabilités plus importantes au niveau de l’oreille, du lexique, de la grammaire. Il se servira intuitivement de stratégies d’apprentissage qu’il a intériorisées pour apprendre une nouvelle langue avec beaucoup plus de rapidité et de facilité.

La langue française ne risque-t-elle pas de se trouver menacée ?

Non, car on ne peut pas renoncer à l’utilisation du français dans un environnement où cette langue est dominante. Elle restera un dénominateur commun du peuple. Jouer sur ces peurs relève du fantasme.

Pourquoi, finalement, le plurilinguisme n’est-il pas davantage développé en France ?

On a des raisons psycho-historiques. Lors de la monarchie, le parler du Val-de-Loire s’est imposé au détriment des autres langues. Ensuite, durant la Révolution, il y a eu une confusion entre la liquidation de la féodalité et la liquidation des différentes langues et cultures. Cela a constitué un dérapage idéologique. Plus tard, sous Jules Ferry et la IIIe République, des progrès pour l’école ont été réalisés mais l’instauration d’un monolinguisme destructeur a éradiqué les langues régionales. On peut donc considérer qu’un ethnocide a été réalisé, c’est-à-dire la disparition d’une culture par l’assimilation forcée.

Propos recueillis par Divi Kerneis

Gilbert Dalgalian est psycho-linguiste, ancien directeur pédagogique de l’Alliance française de Paris.

Pour aller plus loin :
Enfances plurilingues, Gilbert Dalgalian, L’Harmattan, 2000
Capitalismes à l’agonie. Quel avenir pour Homo Sapiens ?, Gilbert Dalgalian, L’Harmattan, 2012

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