Trois Questions Environnement transports vélos

Vélo en libre-service : quel bilan ?

3 questions à Geneviève Laferrère
Présidente de la Fédération des Usagers de la Bicyclette

Combien de villes concernées et combien de vélos en libre-service aujourd’hui  
Le premier libre-service vélo informatisé, déployé à l’échelle d’une ville française, est celui de Rennes en 1998. Cette opération ouvre la voie à un type de marché novateur qui va quelques années plus tard intéresser la plupart des grandes agglomérations.
En 2013, 38 agglomérations sont équipées de systèmes de vélos en libre-service de tailles très différentes (8 vélos à assistance électrique à Montbéliard, 23 000 Vélib’ à Paris), soit au total 46 000 vélos. On identifie principalement 3 modes de gestion et d’exploitation : marché public couplé à l’installation de mobilier urbain (Lyon, Paris, Dijon..) ou pas (Toulouse, Orléans), délégation de service public concernant les vélos en libre-service seuls (Strasbourg, Vannes) ou l’ensemble des transports urbains (Bordeaux, Lille..), plus rarement en régie (La Rochelle, Saint-Étienne, Belfort).

Quels sont les impacts en termes d’usages du vélo dans ces villes ? Est-ce significatif en termes de pollution ? D’amélioration de la santé ? D’effet d’entraînement ? D’aménagements urbains spécifiques ?
L’impact principal est de démythifier l’usage du vélo : il ne requiert pas de qualités sportives particulières, se pratique à tous âges et améliore la sécurité routière par un effet modérateur sur les vitesses des autres usagers. Un déplacement en vélos en libre-service génère souvent plus de 4 déplacements en vélo personnel. Sa part modale reste actuellement trop faible pour qu’un impact significatif sur la pollution soit détecté (le vélos en libre-service est en hyper centre ville, la pollution émane des rocades et des pénétrantes) mais, combiné à la mesure de restriction de circulation instaurée lors du récent pic de pollution, il a montré toute son efficacité. Une étude de l’observatoire de santé francilien (2012) étendue à la France entière (2013) montre que les gains en termes de santé sont plus de 20 fois supérieurs aux risques encourus. Il ne suffit pas d’installer un système de vélos en libre-service pour qu’il soit utilisé : un ensemble de facteurs contribue à sa réussite parmi lesquels, en premier lieu, la contrainte qui pèse (ou pas) sur l’usage de l’automobile, la densité et l’implantation judicieuse des stations, les aménagements cyclables dans les points de conflits (ou pas), la communication… Entre 2010 et 2012, le linéaire de voiries aménagées a augmenté en France métropolitaine de 19 %, principalement dans les centres-villes et sous forme de pistes ou bandes cyclables : effet positif mais si les points « durs » subsistent, la pratique reste limitée dans une zone d’hyper centre ville.

Nombre de ces services en "libre" service ont une contrepartie dans la publicité (contrats avec JC Decaux, Clear Channel… ). Quels sont les exemples de ce type d’impact négatif ?
Ce service rendu à la société a un coût, tout comme les transports urbains, coût majoré par les dégradations et le vandalisme. La fourchette de prix de revient par vélo et par an (investissement et fonctionnement) est entre 1300 à 3400 € pour un prix de vélo moyen de 750 €. C’est un impact non négligeable quel que soit le mode d’exploitation !
L’augmentation d’emplacements publicitaires (dans les premiers marchés entre 2005/2009), l’occupation de l’espace public par les stations surtout si elles sont implantées hors voirie pour ne pas pénaliser le stationnement automobile, des transferts des modes de déplacement de la marche et du Transport en commun vers le vélo au lieu d’un transfert voiture-vélo, peuvent être des effets collatéraux négatifs.
Pour un particulier, l’attractivité du vélos en libre-service repose sur le fait que sont résolus, de facto, ses problèmes de stationnement au domicile comme sur son lieu de travail et de l’entretien du vélo… Une politique de stationnement, de soutien à la création d’ateliers de réparation, de location longue durée, de développement de l’apprentissage du vélo pour mieux éviter les pièges de la circulation (visibilité, angles morts… ) permet de démultiplier les effets du système et de mieux cibler les usages : faciliter l’intermodalité (un vélo perso + un train + un vélos en libre-service), offrir aux visiteurs de passage et aux touristes un moyen souple de découvrir la ville… L’exemple des agglomérations de Strasbourg, Bordeaux, Grenoble avec un panel d’offres de services non limitées au vélos en libre-service montre la voie.
En conclusion, le système est un bon déclencheur mais si on ne l’alimente pas en parallèle par des services dédiés aux cyclistes et des contraintes sur l’usage de la voiture, il reste inutilisé : Aix-en-Provence en a fait le triste constat.

Pour en savoir plus

  • Fiche vélo 25 « les vélos en libre service », novembre 2012, CEREMA
  • Fiche vélo du rapport 2014 de la CCTN (commission des comptes transport de la Nation)

Fédération française des Usagers de la Bicyclette
12, rue des Bouchers
67000 Strasbourg
Tél : 03 88 75 71 90
www.fubicy.org

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