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Surprésentéisme, fléau méconnu

Guillaume Gamblin

Tout le monde connaît l’absentéisme, consistant à prendre des arrêts maladie alors qu’on n’en a pas vraiment besoin. Mais qui a entendu parler du surprésentéisme ?

Agnès travaille dans une grande entreprise. Elle sent qu’elle tombe malade mais préfère prendre un cachet et se rendre au bureau par peur d’attirer la suspicion de la direction et des collègues après des angines à répétitions. Daniel est agriculteur et il n’envisage pas de s’arrêter tant que son corps ne le lui interdit pas complètement.

Travailler malgré la maladie

« On parle de surprésentéisme quand une personne déclare être venue travailler au moins une fois dans l’année, alors que son état de santé aurait nécessité un arrêt maladie. On peut estimer le taux de surprésentéisme en France à 55 % », explique le sociologue Denis Monneuse (1).
Les raisons peuvent être multiples. Peur d’occasionner une surcharge envers ses collègues par esprit d’équipe, pression patronale ou des collaborateurs prompts à stigmatiser la moindre absence et à mettre en doute la bonne foi... Sans oublier certains cadres qui se croient indispensables ou qui veulent « donner l’exemple », ou encore la peur d’avouer une dépression ou une pathologie mentale.
Le surprésentéisme traverse l’ensemble des classes de travailleurs. Variante : le fait de reprendre le travail prématurément avant d’être complètement rétabli.

Tout le monde est perdant

« Dans l’inconscient collectif, chacun a l’impression que les autres s’arrêtent au moindre prétexte, constate Denis Monneuse. Quand on interroge les personnes sur l’absentéisme, on note qu’elles sous-estiment le nombre de jours où elles ont été absentes et, à l’inverse, surestiment la situation de leurs collègues » (2). Cela aide à comprendre pourquoi le surprésentéisme tend à passer inaperçu.
Pourtant ses dangers sont réels : la personne qui travaille en étant malade dégrade sa santé à long terme, elle peut rechuter plus fortement un peu plus tard (et dans ce cas elle devra prendre un arrêt maladie encore plus long), ou accumuler la pression jusqu’au burn out ou à l’infarctus... Sans oublier le risque de contagion envers les collègues. Tant la santé du travailleur que la structure dans laquelle il travaille en font finalement les frais.
Denis Monneuse souhaite que ce problème soit mieux reconnu, et notamment intégré dans les baromètres sociaux. Ce qui nécessite de décoloniser nos esprits de l’idéologie libérale qui stigmatise les travailleurs comme des tire-au-flanc et des profiteurs.

Guillaume Gamblin

(1) Auteur de Le surprésentéisme. Travailler malgré la maladie (éd. De Boeck, 2013)
(2) Denis Monneuse, « Le surprésentéisme fait courir un danger aux salariés et aux entreprises », L’usine nouvelle, 8 septembre 2013.

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