Dossier Énergies Énergies renouvelables Biomasse

Pour une gestion écologiquement responsable et socialement solidaire des forêts

Anne Berthet

La question de la surexploitation du bois énergie inquiète de nombreux acteurs de la filière bois, aujourd’hui regroupés au sein du Réseau pour les alternatives forestières.

En septembre 2008, Gaëtan du Bus de Warnaffe, ingénieur forestier indépendant et docteur en écologie, propose à l’association Réseau d’expérimentation et de liaison des initiatives en milieu rural (RELIER) d’évaluer l’intérêt d’un travail de réseau sur les alternatives forestières. Gestionnaire forestier depuis seize ans, il connaît la nécessité d’une sylviculture plus respectueuse et son potentiel en matière d’emploi, d’autonomie locale et de transmission des savoir-faire. Face au sentiment que la société est prête à écouter les échos de la forêt, il organise avec RELIER une première journée de rencontre sur ce thème à Saint-Affrique (Aveyron) en octobre 2008.
Le chantier est lancé, mobilisant les acteurs concernés pour travailler ensemble à la définition des enjeux de la gestion forestière, au repérage et à la valorisation d’expériences alternatives exemplaires, à l’émergence de solutions et d’outils méthodologiques permettant de dépasser les obstacles et de favoriser la coopération entre acteurs. Plus de 300 personnes ont répondu présent. Les professionnels de la forêt et du bois représentent plus de la moitié du réseau. La diversité des membres est à l’image de celle des projets alternatifs. Ils agissent à des niveaux variés de la filière, sont porteurs de visions complémentaires de la forêt et partagent le souci de l’avenir de la forêt en France.

Favoriser l’émergence et le développement des alternatives forestières

La recherche-action du RAF regroupe schématiquement trois volets intimement liés autour d’une vision de société : un premier volet technique (sylvicole et artisanal) qui tend à respecter les écosystèmes en favorisant la diversité et la continuité, plutôt que la monoculture et la rupture. Et ce, tout en préservant les habitats et microhabitats riches et rares (vieux arbres, bois mort, tourbières…) et en optimisant la valorisation locale des bois de pays dans leur diversité.
Le deuxième axe de travail, économique, vise à bâtir des microfilières, à valoriser intelligemment la diversité des ressources (bois, champignons, plantes médicinales, fourrages, faune…), et à établir une répartition équitable des ressources économiques entre tous les acteurs en présence.
Le dernier volet, qui concerne l’humain et le social, prévoit de travailler à la transparence économique dans les relations professionnelles, de coopérer plutôt que se concurrencer, de développer les échanges entre les maillons de la filière (propriétaires, forestiers, scieurs, constructeurs, artisans, consommateurs de bois énergie…). Il s’agit aussi d’impliquer la population (achat collectif de foncier, AMAP bois), de développer les savoir-faire.

Résistance, innovation écologique et sociale

De 2008 à 2010, les premiers membres du réseau ont écouté les problèmes et les souffrances rencontrés par les acteurs de la forêt et du bois et, plus largement, par celles et ceux qui ne se retrouvent plus dans une gestion de plus en plus industrielle, à court terme, mécanisée, simplifiée, concentrée, artificialisée… Ce travail de recueil d’informations, de rencontres, a également permis d’identifier des résistants et des créatifs car l’innovation existe, en matière forestière.
La charte du RAF, adoptée en 2011, a permis de bien identifier le cœur d’action de la structure : le partage d’expériences, la sylviculture douce, le dialogue, l’achat responsable, l’humilité, l’observation et les modes d’intervention les plus adaptés, l’ancrage territorial… Onze points définissent le positionnement adopté par l’association dans la filière bois-forêt (1).
Aujourd’hui, le réseau a monté sa propre association et quitte progressivement le giron bienveillant de RELIER pour s’affirmer dans sa propre identité, à la fois militante et force de propositions alternatives.

Les alternatives de demain

Le réseau s’est donné pour objectif de repérer, relier et encourager les acteurs, professionnels ou non, qui s’engagent dans cette recherche de cohérence entre leurs valeurs, leur métier et leurs aspirations personnelles. Il s’agit d’ouvrir un vrai débat sans tabou sur la gestion forestière dans la société civile, et de sortir enfin de l’opposition entre écologie et économie.
Afin de caractériser les alternatives forestières, Pascale Laussel, avec l’aide des membres actifs du RAF, a réalisé des enquêtes auprès de dix acteurs non conventionnels de la forêt et du bois. Les résultats ont inspiré un livre rappelant les enjeux forestiers actuels : Vivre avec la forêt et le bois – portraits d’acteurs engagés.
Le changement de mentalité et de comportement en forêt passe évidemment par la formation. Au fil des ans, le RAF a noué un partenariat solide avec le centre de formation pour adultes de Digne-Carmejane (Alpes-de-Haute-Provence). En 2014, la formation de quatre mois d’éco-gestionnaire forestier récoltant de bois organisé en 2011 et 2013 va ainsi devenir en 2014 un brevet professionnel d’un an. Cette formation innovante, à laquelle le RAF participe activement, pose les bases d’un nouveau métier alliant les compétences du bûcheron et du gestionnaire forestier dit « doux ».
Le réseau mène également une réflexion sur l’accès au foncier forestier en s’inspirant du modèle Terre de Liens (2) pour allier épargne citoyenne et dons. Une manière d’acquérir collectivement des forêts pour les protéger, les retirer du marché spéculatif, porter le débat sur la question de la gestion et installer des paysans forestiers.
L’équipe du RAF apporte au jour le jour son soutien, des outils, des références pour que toutes celles et ceux qui aspirent à un autre modèle se rassemblent, échangent et portent la voix de l’innovation forestière, une innovation à la fois sociale, solidaire et écologique.

Anne Berthet
Chargée de mission forêts
RELIER-RAF

(1) www.reseau-relier.org/La-charte-du-RAF
(2) Sur Terre de Liens, voir Silence n°396 ou www.terredeliens.org

Pour en savoir plus : Série de 14 émissions par Radio Zinzine : http://www.reseau-relier.org/ Entre-cimes-et-racines-Emissions

Contacts : Réseau alternatives forestières, 1, rue Michelet 12400 Saint-Affrique, tél : 05 65 49 58 67, www.alternativesforestieres.org, contact@alternativesforestieres.org

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