Brève Chronique Armes nucléaires Paix et non-violence

Pacifique et l’interdiction des armes nucléaires

Bruno Barillot

Si des peuples sont particulièrement sensibles au nucléaire, c’est bien dans le Pacifique ! De 1945 à 1996, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont fait des îles du Grand Océan le champ d’expérimentation de leurs bombes nucléaires.

Après Hiroshima et Nagasaki, les Etats-Unis ont effectué 100 essais aériens, les plus puissants à Bikini et Enewetak aux Iles Marshall entre 1946 et 1958. Puis entre 1952 et 1958, ce fut le tour des 21 essais britanniques en Australie et à Christmas Island au nord des Iles Marquises où les Etats-Unis ont également fait exploser 24 bombes thermonucléaires en quelques semaines en 1962. Enfin, entre 1966 et 1996, malgré le traité d’interdiction des essais aériens signé le 5 août 1963, la France a poursuivi son programme d’essais nucléaires en Polynésie sur les atolls de Moruroa et de Fangataufa : 193 bombes aériennes et souterraines.
Ces expériences ont été réalisées sans la moindre consultation des peuples concernés des îles du Pacifique, parfois même en collaboration étroite avec les gouvernements locaux sous tutelle coloniale comme en Australie et en Polynésie française. Depuis le début des essais, les peuples ont protesté et résisté à ces violations de leurs droits souvent avec l’aide d’organisations militantes dont Greenpeace est la plus connue. En 1973, les grands Etats du Pacifique — Australie, Nouvelle-Zélande et Fidji — ont poursuivi la France devant la Cour internationale de Justice. En 1985, quelques semaines après l’attentat des services secrets de la France contre le navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior, et faisant suite à des campagnes militantes pour un « Pacifique indépendant et libéré du nucléaire », ces Etats ont conclu le traité de Rarotonga, créant une zone dénucléarisée dans le Pacifique sud.
Aujourd’hui, les peuples des îles et archipels du Pacifique et les peuples aborigènes d’Australie proches des anciens sites d’essais, touchés par des maladies « radio-induites », mènent un combat juridique très difficile pour faire admettre la responsabilité des trois Etats nucléaires et obtenir des réparations. Près de 70 ans après les premières bombes, des atolls et d’immenses territoires aborigènes d’Australie restent impropres à toute activité humaine. Aux milliers de tonnes de déchets radioactifs déversés dans l’océan s’ajoute le poison déversé par l’accident de Fukushima contaminant les ressources vivantes aquatiques qui restent la principale source de protéines des peuples insulaires.
Cette tragique histoire permet de comprendre la détermination antinucléaire des peuples, des ONG et des Eglises du Pacifique. Plusieurs Etats indépendants – Iles Salomon, Papouasie Nouvelle Guinée, Samoa, Tonga, Tuvalu, Vanuatu, Marshall Islands – ont voté en faveur des résolutions de l’ONU pour un traité d’interdiction complète des armes nucléaires. Eux, qui ont subi et subissent encore comme les autres peuples de l’ex-URSS, de Chine, du Sahara et des autres pays nucléaires des conséquences désastreuses pour leur santé et leur environnement, soutiennent un monde débarrassé des armes nucléaires au nom des risques ingérables que ces armes font courir à l’humanité.

Bruno Barrillot

Bruno Barillot est l’un des fondateurs de l’Observatoire des armements. Il est membre de Armes nucléaires Stop et a été de 2005 à 2013 conseiller auprès du gouvernement Temaru en Polynésie pour animer la commission d’enquête sur les essais nucléaires.

Lire la contribution d’ICAN Australie, coordination internationale pour abolir les armes nucléaires, sur http://www.obsarm.org/spip.php?article227

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