Trois Questions Monde Politique

Accord TAFTA : 3 questions à Geneviève Azam

1 - Pourquoi l’Union Européenne accepte-elle de négocier le Tafta, traité commercial de libre-échange trans-Atlantique ?

L’union européenne (UE) n’a pas seulement « accepté » ces négociations, elle a aussi joué et joue un rôle moteur. N’oublions pas les négociations en cours pour un accord du même type entre l’UE et le Canada, entre l’UE et le Mercosur, l’UE et l’Inde et les multiples accords de libre-échange (ALE) avec des pays dans toutes les parties du monde, celui avec la Corée (2011) représentant une sorte de prototype des ALE « nouvelle génération » qui vont bien au-delà d’un accord commercial.
L’idée d’un partenariat transatlantique date des années 1990 et n’a pu se réaliser. La crise en Europe a créé un terrain favorable pour les tenants d’une stratégie du choc. Après la crise financière de 2007-2008, un groupe de travail commun « de haut niveau » entre les USA et l’UE sur la croissance et les emplois a conclu sur la nécessité du « libre-échange ».
L’union européenne a fondé son argumentation sur une étude qui, avec de grandes précautions ignorées ensuite par la propagande de la commission, promet, à l’horizon 2027, une augmentation de la croissance en Europe de 0,4% et du revenu annuel moyen de 545 euros, si un tel traité entrait en vigueur !
L’Union européenne est donc engagée du fait de l’abandon de tout horizon politique aux « forces du marché », de l’opportunité de se débarrasser de normes encombrantes, de sa soumission à la religion de la croissance, de sa volonté d’assurer à ses firmes des ressources alors que la globalisation a modifié les rapports de force géopolitiques et que la crise écologique rapproche les limites à l’expansion infinie. Sans oublier une dose non négligeable de cynisme.

2 - Qui au sein de l’Union européenne méprise la démocratie au point d’accepter des négociations secrètes ?

Sous des apparences techniques, ces négociations sont éminemment politiques. Ce projet en effet, outre les droits de douane concernant l’agriculture et la culture, porte sur le remplacement des normes et réglementations sociales, écologiques, sanitaires, financières, élaborées par les États ou les collectivités territoriales ou l’UE, par des normes produites par les firmes. C’est le sens de la procédure privée d’arbitrage entre les firmes et les États, qui est le cœur et l’outil du projet. C’est pourquoi les travaux préliminaires au lancement de l’accord ont été cannibalisés par les lobbies industriels et financiers européens et étasuniens qui sont toujours à la manœuvre. Il ne s’agit pas seulement d’un mépris de la démocratie, il s’agit d’une capture du pouvoir politique de produire des normes par les entreprises transnationales, et donc de la suppression du politique. C’est une sorte de coup d’état soft, qui, comme tout coup d’état suppose le secret dans sa préparation. Mais quand bien même ces négociations deviendraient plus transparentes, elles sont irrecevables dans leur principe, à moins d’accepter la soumission du politique au business et à la corruption.

3 - Quelles sont les initiatives en cours pour faire échouer ces négociations ?

Des deux côtés de l’Atlantique, la mobilisation citoyenne s’organise, avec pour principe qu’il s’agit bien d’un traité mené par et pour les firmes transnationales américaines ou européennes. Le secret a été déjà rompu, il faut élargir la brèche pour arriver au blocage. C’est une lutte que nous pouvons gagner, tant les contradictions s’accumulent.

Ce projet engage toute la société. C’est pourquoi, concrètement, en France, un collectif national très large s’est constitué, pour informer, casser le secret, mener des actions pour arrêter les négociations (http://stoptafta.wordpress.com/le-collectif-national/). Des comités locaux anti TAFTA se créent partout. Plusieurs sites donnent des informations, font circuler des fuites, etc.(http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/). Une campagne nationale pour informer les élus et déclarer les collectivités hors TAFTA est lancée. Plusieurs régions se sont déjà déclarées hors TAFTA ainsi que des villes.

Des liens sont établis avec les campagnes contre les OGM et la suppression des semences paysannes, pour le maintien du principe de précaution en Europe, contre les gaz de schistes, avec les collectifs pour la relocalisation, avec les syndicats, avec tous ceux qui luttent contre les nouveaux droits de propriété intellectuelle et pour la protection des données personnelles (un des maillons faibles de TAFTA du fait d’une opposition très large vis-à-vis de la libéralisation de l’accès à ces données). Enfin, dans le cadre de la préparation des mobilisations pour le sommet ONU du climat en décembre 2015, dont participe le processus des Alternatiba, cette question sera centrale car un tel accord reviendrait à nier toute possibilité réelle d’agir contre le changement climatique.

Enfin, des réunions et manifestations sont organisées avec des syndicats et réseaux européens comme S2B (De Seattle à Bruxelles, http://www.s2bnetwork.org) et des syndicats et réseaux étasuniens comme Public Citizen (http://www.citizen.org) et de très nombreux mouvements de base au États-unis.

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer