Article Politique Réflexions générales

Quels modes de vie en 2050

pierre guguenheim

Le Club d’Ingénierie, Prospective, Energie et Environnement (CLIP) qui regroupe des ingénieurs des grands corps d’Etat s’est penché sur les scénarios possibles pour éviter le dérèglement climatique (1).

Cinq scénarios sont envisagés. Trois scénarios prennent en compte des modes de vie alternatifs et sont établis à partir d’aspirations et de demandes déjà détectables dans nos sociétés.
Le scénario dit Consumérisme vert verdit les consommations et productions pour diminuer l’impact carbone. Il ne remet pas en cause la mondialisation sur fond d’individualisme. Les inégalités s’aggravent. Les tensions sociales sont gérées sur un mode autoritaire. L’étalement urbain se poursuit. La réhabilitation des logements est modeste. Le coût des transports reste une contrainte forte pour une partie significative des ménages. La consommation de viande baisse de moitié pour la plupart des ménages.
Dans le scénario Individu augmenté, la recherche de performance est centrale. L’élite est hyper-performante grâce à des prothèses améliorant les capacités physiques et cognitives. Chacun essaie d’en acquérir le plus possible. Une partie de la population n’y a pas accès. Les inégalités tendent vers l’infini. L’urbanisation atteint 95 %. La mobilité de loisirs à longue distance ne concerne que les élites.

Des modes de vie alternatifs

Dans la société Duale et sobriété plurielle, environ 40% de la population bifurque vers de nouvelles formes d’organisation sociale inspirées de la vie communautaire et revitalisent le milieu rural et les petites villes. Des communautés alternatives se créent, motivées par des raisons écologiques, d’équité ou culturelles. La faiblesse des ressources financières y est compensée par la qualité du cadre de vie, des rythmes plus détendus et la richesse des liens sociaux. L’espace rural abrite à lui seul un quart de la population. Les déplacements physiques sont réduits. En milieu urbain, les habitudes de consommation ont peu évolué, mais les ressources financières manquent. La concurrence pour l’emploi et la recherche de performance renforce l’individualisme.
La société Ecocitoyenneté naît d’une prise de conscience collective des nuisances induites par le modèle de développement actuel. Une nouvelle hiérarchie de valeurs privilégie les critères environnementaux, sociaux et de justice. Le fonctionnement est très démocratique. Les choix politiques à l’échelle locale s’effectuent par le biais de conférences citoyennes. La relocalisation est encouragée. Les inégalités sociales sont réduites. L’échelle des revenus est resserrée. Les temps de travail de chacun ont diminué pour être mieux répartis. Chacun partage ses temps d’activité également entre la société (liens, solidarité, politique), la planète (engagements associatifs, pratiques naturalistes, etc.), le travail productif et le temps pour soi. L’urbanisation est stabilisée au profit des petites métropoles et des campagnes. Les déplacements sont limités. Les transports en commun sont développés et rendus plus agréables.
La société Age de la connaissance représente une rupture dans le rapport à la consommation. Les mouvements anti-consuméristes ont dominé pour des raisons écologiques, sanitaires (pollution et stress au travail), économiques (récession) et géopolitiques (partage des ressources au niveau planétaire). La valeur dominante est celle de l’enrichissement en savoirs. Sont promus les échanges relationnels, la connaissance et l’expression culturelle. La lutte contre les inégalités de savoirs, source des rapports de domination, est prioritaire. Le principe de la représentation par les élites est mis à mal. Le temps de travail salarié est de 2 jours hebdomadaires plus 2 jours pour les besoins de la communauté. Le reste du temps est dédié aux activités libres. Dans chaque quartier, jardins et ateliers communautaires permettent d’acquérir des savoirs manuels, techniques, naturistes ou artistiques. Les revenus sont globalement faibles. Les besoins de mobilité également.
Seul ce dernier scénario permet d’approcher l’objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Des préconisations sans suite

Pour impulser de tels scénarios, l’Etat doit, selon ce rapport, rendre les modifications désirables pour éviter le déni et la fuite. L’effort équitable pour tous doit être souligné. Les collectivités territoriales doivent effectuer des réalisations exemplaires.
Ce n’est pas l’intérêt des financiers et des multinationales. Or ils contrôlent les médias.
La relocalisation de la production et des commerces, le développement des énergies alternatives décentralisées et des transports en commun, le freinage de l’aérien, l’interdiction de l’obsolescence programmée contrarient leurs stratégies. Les recommandations de ce rapport ont donc peu de chances d’être prises en compte.

Pierre Guguenheim

(1) Ce club d’ingénierie prospective énergie et environnement regroupe des ingénieurs provenant de différents organismes : Ademe, CEA, Cirad, CNRS, EDF, GDF, IFP, INRA, ONF, SNCF… et des ministères de la Recherche, de l’Environnement, de l’Industrie, des Transports et du Logement, de l’Agriculture et le Commissariat général du plan. Voir www.iddri.org

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