Chronique Armes nucléaires Paix et non-violence

Société du plutonium

Dominique Lalanne

Le plutonium, ce nouvel élément fabriqué dans les centrales nucléaires est l’explosif par excellence dans les armes nucléaires. C’est l’élément qui change la société en profondeur. Doit-on envisager la généralisation de son utilisation ou au contraire essayer de l’éliminer ? Un questionnement qui se pose en 2014 avec le projet ASTRID du Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Très toxique pour l’homme, le plutonium est produit en quantité appréciable dans un réacteur comme ceux qui fonctionnent en France : 250 kilogrammes par an et par réacteur. De quoi faire une douzaine de bombes si on sait l’extraire du « combustible usé ». Ce qui se fait de façon industrielle par des procédés chimiques à La Hague.
En dehors des bombes, le plutonium a été utilisé par le CEA dans le réacteur Superphénix, un réacteur dont le cœur de plutonium pouvait éventuellement exploser et déclencher un feu de sodium impossible à éteindre. Un réacteur heureusement arrêté en 1997 et toujours en démantèlement. Mais le CEA n’a pas baissé les bras. Le nouveau projet de réacteur ASTRID qui doit être décidé cette année 2014 est un petit Superphénix, deux fois moins puissant que son ancêtre. Même technologie avec des aménagements de détails. Car le CEA veut une « 4e génération » avec de tels réacteurs.... pour utiliser le plutonium extrait en grandes quantités à La Hague.
Une telle orientation industrielle augmenterait le risque d’accident nucléaire de façon vertigineuse. Et la prolifération d’armes nucléaires deviendrait d’une grande simplicité. Le cœur de plutonium, très pur avant mise en service, serait simple à traiter pour en faire des bombes. La chimie en milieu hautement radioactif ne serait plus nécessaire. Le CEA a déjà pris le tournant avec le MOX, ce mélange uranium-plutonium qui peut servir de combustible aux réacteurs actuels. Extraire le plutonium du MOX pourrait se faire dans un pays qui veut la bombe. Les projets industriels du CEA seront-ils acceptés sans débat ?
La production de plutonium est pourtant dénoncée comme proliférante. Un traité d’interdiction de production est en discussion à la Conférence du désarmement depuis une vingtaine d’années. Car les pays qui ont l’arme nucléaire veulent empêcher des nouveaux d’accéder au club, comme par exemple le Pakistan qui se constitue un stock de plutonium actuellement. Mais les pays qui ont déjà des stocks, entre autres la France, n’envisagent pas de s’en dessaisir. Des discussions interminables qui ne déboucheront jamais...
L’avenir du plutonium en France se joue cette année. Si ASTRID est décidé, nous sommes partis dans une nouvelle aventure « Superphénix-bis ». Et au-delà, vers une société où la menace nucléaire sera généralisée. Saurons-nous nous y opposer ?

Dominique Lalanne

Physicien nucléaire retraité, co-président de Armes nucléaires STOP
do.lalanne@wanadoo.fr

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