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Téléphones portables menacent notre santé

Hervé Krief

Lettre ouverte à Madame la Ministre de la Santé

Madame la Ministre,

Votre travail consiste à veiller sur la santé des français et à les prévenir des éventuelles menaces sanitaires qui peuvent survenir.
Aussi je ne comprends pas pourquoi vos services et vous-même n’alertez pas nos compatriotes devant la crise sanitaire sans précédent qui se profile avec la téléphonie mobile.
La peste noire au 14e siècle qui tua près de 25 millions de personnes ou la grippe espagnole de 1918 qui décima près de 20 millions d’êtres humains risquent de n’être rien devant la pandémie qui s’annonce et que vous et vos prédécesseurs étouffez pour des raisons que je vais essayer d’éclaircir.

Coller un téléphone mobile sur une oreille humaine est extrêmement grave

Le danger que représente l’action de coller un téléphone mobile sur une oreille humaine pendant des minutes, voire des heures est extrêmement grave et menace très sérieusement la vie des générations à venir. Deux phénomènes concomitants et récents accentuent terriblement ces menaces :
1 - L’avènement des forfaits illimités qui laissent les usagers libres de téléphoner des heures durant.
2 - Le rajeunissement terrible des premiers utilisateurs. Dès l’entrée au collège, soit à l’âge de 11 ans, la plupart des enfants ont un téléphone mobile (1).
Or, la seule prévention lancée par le ministère de la santé, suite au Grenelle de l’environnement 2, consiste en un portail internet intitulé « Portail radiofréquences-santé-environnement » qui nous explique que nos enfants n’ont rien à craindre puisque l’AFSSET (2) dans son rapport de 2009, indique que tout va bien.
Mais ce rapport est très contesté. Déjà en 2005, Guy Paillotin, alors directeur de l’AFSSE (ancien nom de cette agence) avait expliqué que les rapports remis n’avaient aucune valeur : « L’expertise sur la téléphonie mobile n’a jamais suivi ni de près, ni de loin, les règles que s’est fixée l’AFSSE. Donc, c’est une expertise que je considère comme n’existant pas » (3).
Ce sont les connexions des experts, engagés par l’AFSSET, avec les industriels de la téléphonie qui ont conduit l’ancien directeur à condamner les résultats obtenus. Cela devrait vous conduire également, Madame la Ministre, à interroger sérieusement les conclusions de leurs études. En effet, celles-ci vont toujours dans le même sens et permettre ainsi aux grands groupes industriels de réaliser des bénéfices records.
A ce titre, le rapport pour le 3e plan cancer que vient de vous remettre le professeur Vernant, en février 2014, est consternant. Il élude la question en quelques lignes et se contente de signaler que l’INPES a édicté sur un site des règles de « bon usage » du téléphone mobile. Sur ce site, lesondesmobiles.fr, dont la fréquentation semble inexistante, on trouve cette phrase concernant la santé des enfants et des jeunes : « … l’usage de l’oreillette devrait également être encouragé par les parents ».

Des études prouvent les risques encourus

Rares sont les chercheurs qui parviennent à mener à terme leurs études. En France, dans le cadre du projet COMOBIO, lancé en 1998 par le gouvernement français, le professeur Alain Privat, neurologue à l’INSERM, a découvert des risques très sérieux de lésions cérébrales sur des cerveaux de rats exposés à des téléphones portables mais ses travaux ont du être arrêtés devant le refus de l’Etat de prolonger le versement de ses subventions après seulement une année de recherches.
Le professeur Pierre Aubineau, directeur de recherche au CNRS, quant à lui, a découvert des risques de dommages très sérieux sur les tissus du cerveau mais n’a pu publier ses conclusions.
Heureusement, il existe un chercheur suédois indépendant, financé uniquement par des fonds publics, qui travaille depuis près de 20 ans sur l’impact des portables sur la santé humaine.
Il s’agit de Lennart Hardell, professeur d’oncologie à l’hôpital d’Orebro.
Ses études, menées sur un panel extrêmement large de plus de 7000 personnes, l’ont conduit aux conclusions suivantes :
• L’utilisation du téléphone portable conduit à un doublement du risque de tumeur cérébrale (du type gliome) et du risque de surdité (neurinome acoustique).
• Téléphoner pendant 1 heure par jour pendant 10 ans est synonyme de tumeur du cerveau.
• Le risque chez l’enfant est très sérieux. Avant 20 ans, le cerveau est plus vulnérable et les risques de tumeurs liées à l’utilisation du téléphone mobile sont multipliés par 5.
L’union européenne, quant à elle, ne semble pas pressée de légiférer. En effet, elle vient seulement de lancer un programme intitulé « Mobi-kids - les risques de tumeurs cérébrales pour les jeunes liées aux techniques de communication », dont les conclusions n’apparaitront pas avant 2030.

Génération sacrifiée

Cela revient à dire que la génération des enfants nés aux alentours de l’an 2000 risque d’être sacrifiée sur l’autel de la croissance et de la consommation, piliers sur lesquelles reposent désormais nos modèles de sociétés. Ce qui risque, par ailleurs, d’engendrer une désorganisation irréversible de notre cohésion sociale, notamment au regard des retraites et de la sécurité sociale.
Lennart Hardell tire la sonnette d’alarme depuis 2003 mais se heurte aux multinationales qui paient des experts pour contredire ses travaux. Il est intéressant, pour bien comprendre les rouages de ces combats, de se référer à l’ouvrage que vient de publier Stéphane Foucart, journaliste au quotidien Le Monde. Dans La Fabrique du mensonge. Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger (4), il affirme que l’industrie cultive l’ignorance dans les sciences, l’expertise publique et les esprits. Elle possède en effet des techniques, désormais bien rodées, qui consistent à financer des dizaines d’expertises visant à contrebalancer celles qui évoquent une quelconque dangerosité des produits qu’elle manufacture. Ainsi en noyant les recherches indépendantes dans un flot de recherches douteuses, les industriels sèment avec force la confusion parmi les médias et la population.

Principe de précaution

Mais votre devoir, Madame la Ministre, se situe ailleurs que dans la préservation des intérêts des actionnaires des géants de la téléphonie. Il me semble que le principe de précaution doit vous guider dans votre action et vous conduire à prévenir les français des risques encourus afin qu’ils puissent faire un véritable choix en connaissance de cause.
Aussi je me permets de vous suggérer, devant la gravité de la menace pesant sur nos concitoyens, de prendre d’urgence trois mesures indispensables :
1 - Obligation aux utilisateurs de téléphones mobiles d’utiliser les oreillettes. En cas de refus, le contrevenant s’exposerait à une amende exactement comme pour le port de la ceinture de sécurité en voiture. Il est intéressant de noter ici l’analogie qui existe entre l’avènement de l’automobile dans les années 60 et celui des portables aujourd’hui. Le développement économique est, dans les 2 cas, un rouleau compresseur qui oblige la société à se transformer sans qu’à aucun moment le pouvoir politique ne cherche à débattre avec les populations concernées afin de lui permettre de faire un choix issu de la concertation.
2 - Interdiction d’utiliser un téléphone portable aux moins de 16 ans. C’est la seule possibilité pour sauver les collégiens et c’est ainsi qu’il faudra l’expliquer auprès des parents qui risquent de s’offusquer de cette mesure. Il s’agit de préserver la vie de leurs enfants.
3 - Organiser une grande campagne d’information nationale (télévisions et journaux) pour communiquer aux Français l’état des recherches ; celles des experts en conflits d’intérêts et celles des experts indépendants. Il est indispensable également d’organiser des débats publics dans chaque commune, dans chaque quartier. Il est urgent que l’ensemble de la population puisse enfin se saisir de ses choix en réelle connaissance de cause.
Concernant la première proposition, on pourrait imaginer que l’état contraigne les fabricants de téléphone à configurer leurs appareils pour qu’un appel ne puisse être passé sans le branchement des oreillettes. Cela éviterait la répression, et les PVs qui l’accompagnent, face aux refus éventuels d’utiliser les écouteurs.
J’espère que cette lettre vous convaincra, Madame la Ministre, d’agir le plus rapidement possible car ce sont les vies de nos enfants que votre laxisme et votre complicité avec les grands groupes de la téléphonie menacent.
Bien à vous

Hervé Krief,
musicien

PS : Je n’évoque ici que les dangers sur la santé des utilisateurs de téléphones mobiles. Il existe, malheureusement, d’autres situations très graves liées soit à la fabrication des téléphones (les guerres en Afrique, la pollution en Amérique du Sud liés à l’extraction des métaux précieux utilisés et le nouvel esclavage en Chine), soit aux déchets générés par les téléphones (5).

Quel bonheur de vivre sans téléphone portable

La première sensation, la plus prégnante, est un sentiment de liberté. J’ai l’impression d’être libéré d’un poids, d’être plus léger. Comme si j’avais brisé des chaînes qui m’oppressaient à mon insu.
Cette libération est double. Elle est d’abord physique. L’objet téléphone est omniprésent. Lorsque je l’oubliais, j’étais désorienté, perdu. Quel bonheur de ne plus avoir à démêler les fils des oreillettes, de ne plus penser à le recharger. De ne plus l’avoir dans la poche, comme une protubérance, un kyste qui aurait poussé dans mon corps. Elle est aussi mentale. Quelle joie de ne plus être submergé par des SMS idiots et inutiles. Je savoure la possibilité de déambuler au gré de mes humeurs sans être attaché à une laisse qui me ramène immanquablement vers le monde matériel et consumériste, comme un brave toutou. C’est un sentiment immense de liberté qui m’accompagne désormais.
Mais tous ces bonheurs retrouvés ne sont rien au regard de l’apaisement, de la sérénité que me procure l’abandon de cet objet hautement sophistiqué.
HK

Et encore

Téléphone portable : objet pratique, pratiques abjectes
Dans son numéro de janvier 2014, l’organisation de solidarité internationale suisse Déclaration de Berne publie un important dossier sur la chaine de fabrication des téléphones portables de la mine à la poubelle. Conditions d’extraction des minéraux déplorables, usines de montage en usines inhumaines, incitation commerciale à renouveler sans cesse son matériel, recyclage limité… le téléphone portable est un résumé à lui seul de ce qu’il ne faut pas faire pour un monde plus solidaire.
Vers un développement solidaire, Déclaration de Berne, avenue Charles-Dickens, 4, 1006 Lausanne, Suisse, www.ladb.ch.

Ondes, science & manigances
film de Jean Heches et Nancy de Meritens

En 2007, deux enfants scolarisés dans la même école de Rexpoëde (Alsace) sont atteints d’une tumeur au cerveau, dont l’un décède. Une antenne avait été installée à proximité de l’école peu avant les faits, mais ni le maire ni les médecins n’ont cru à un lien de cause à effet. « C’est dans les gènes » disaient-ils. Il aurait fallu un 3e enfant malade pour lancer une étude. C’est donc à l’initiative d’un collectif de citoyens que le réalisateur Jean Hèches a été contacté pour tenter de clarifier cet épais flou qui plane sur l’industrie de téléphonie mobile. Le documentaire aide à comprendre comment cette industrie finance des études scientifiques pour contrer les résultats qui l’accablent, ce que l’on nomme une « stratégie de défense de produit ». Pour Janine Le Calvez, présidente de Priartém (Pour une Réglementation des Antennes Relais de Téléphonie Mobile), il est essentiel de faire respecter les normes en France. « Seulement 33% des études financées par les industriels trouvent des résultats nocifs pour la santé. Quand les financements sont publics, 83 % des études révèlent des effets négatifs sur la santé. Cet écart pose question sur la recherche ». Collaborant avec des centres de recherche de l’armée américaine, l’OMS affirme que les ondes sont sans danger. Elle aide à la mise en place d’une réglementation en citant les normes de la Commission Internationale pour la Protection contre les Rayonnements Non Ionisants (ICNIRP : ONG de recherche privée, proche des industries) et incite les pays ayant des normes strictes tels que l’Inde, la Chine ou la Russie à les abandonner pour se baser sur les normes occidentales (ce qui équivaut à passer de 6v/m à v/m)
L’interview de Mona Nilsson, journaliste d’investigation suédoise spécialisée sur le sujet dévoile les rouages de cette stratégie qui dure depuis une vingtaine d’années. Le film donne accès à des documents compromettants pour l’industrie et pour certains scientifiques. AV.
EDV 420, Septième Factory, 2014, 1h32, 20 €
Les dates de projection du film en France peuvent être trouvées sur le site : http://ondesscienceetmanigances.fr

Du Sang dans nos portables ?
film de Franck Piasecki Poulsen (Danemark), 2010, 82 mn.

Des enfants meurent tous les jours pour que nous puissions jouir de ce « progrès technologique ». Comment continuer à utiliser un mobile quand des régions entières sont souillées, détruites en Bolivie, au Chili et en Argentine (90 % des réserves mondiales de lithium à eux trois) ou encore au Congo (RDC) afin d’extraire les minerais et les métaux précieux utilisés pour fabriquer nos téléphones portables ?
Comment continuer à utiliser ces appareils lorsque des milliers d’êtres humains sont mis en esclavage par la société Foxconn en Chine pour permettre leur fabrication ?

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