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Théâtre qui rendait l’écologie populaire

Linda Maziz

Il y a le père, la mère et leur fille. La famille vit en banlieue parisienne, dans une barre HLM. Une rencontre avec un paysan sans terre du Bangladesh lui fait prendre conscience de la nécessité d’une transition écologique. « Alors, qu’est-ce qu’on fait ? », se demandent souvent ces trois protagonistes. Parce que c’est bien beau les discours sur le « facteur 4 », « l’empreinte écologique », « la reconversion énergétique », mais comment fait-on dans la vie de tous les jours pour être exemplaire avec les moyens du bord, en matière de logement, de transport et de consommation ? L’alimentation, par exemple. Ils ont pigé le coup des fruits et légumes de saison. Mais, « il vaut mieux prendre des carottes bio de Hollande ou des pas bio de France ? ». Le mieux, c’est certainement le panier Amap de leur copine Clara qui fait la maligne avec son rutabaga. Mais pour eux c’est foutu, la demande est saturée. A défaut de maraîchers de proximité, ils ont planté leurs poireaux au pied de leur immeuble. Problème, les agents des espaces verts débarquent, pas vraiment d’accord, vu qu’ici, la mairie a prévu des bégonias.

La scène est burlesque, les dialogues enlevés. Mais, sur scène, la famille manque d’arguments pour défendre son potager sauvage. Le spectacle « ça va chauffer » se poursuit. On y suit cette famille, mais pas seulement. L’écologie, c’est aussi l’affaire des politiques, des entreprises, des banques, des ONG... Eux aussi ont leur place dans cet enchevêtrement de tableaux qui se superposent, se télescopent et se répondent, comme autant de niveaux de lecture de la question écologique. Le spectacle dure une heure, mais à la fin ce n’est pas fini. C’est même là que ça commence, ou plus exactement, que ça recommence. Et c’est toute la particularité du théâtre-forum, un théâtre à commettre ensemble avec des spectateurs qui viennent prendre la place des acteurs. « On a choisi trois séquences. On va vous demander de venir jouer un personnage pour essayer de faire bouger les choses, détaille au micro Fabienne Brugel, à la tête de la compagnie Naje. On ne juge pas les propositions, on ne sait pas lesquelles pourraient nous servir dans la vraie vie. Parce que le théâtre tel qu’on le fait nous, on essaie que ça soit un lieu d’entraînement pour demain. »

Parmi les scènes préposées au replay, celle des légumes dans l’espace public. Une spectatrice s’avance, prête à donner la réplique aux agents des espaces verts. Ce soir du 24 janvier, salle Jean Dame, dans le 2e arrondissement de Paris, la magie du théâtre forum a encore opéré. Ensemble, les spectateurs ont ouvert le champ des possibles. Ils sont montés sur scène avec leurs envies et mis en partage leurs utopies. « Le théâtre-forum nous donne cette possibilité d’y aller, de dire ce que l’on a à dire, de proposer, d’essayer, de réfléchir ensemble pour chercher des solutions », réagit Julie Brossard, une spectatrice sortie enchantée de cette soirée organisée par les comités Attac d’Ile-de-France. Au vu des interventions, le public était plutôt du genre averti. Mais ce n’est pas toujours le cas. « C’est un spectacle tout public. D’ailleurs, on s’est vachement pris le chou, l’écologie, c’est quand même super compliqué, explique Fabienne Brugel, qui a monté ce spectacle il y a quatre ans. On voulait vulgariser, que ça soit pédagogique, mais on ne voulait surtout pas trop simplifier. » Une forme de démocratisation des savoirs d’autant plus importante que, pour Fabienne Brugel, l’enjeu, c’est aussi d’impliquer les classes populaires sur la question écologique. « Ça, c’est un réel défi ».

Linda Maziz
pour Reporterre
www.reporterre.net

• Naje (Nous n’abandonnerons jamais l’espoir), 16, rue des Coquelicots, 92160 Antony, www.naje.asso.fr

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