Chronique Fukushima Nucléaire

Le grand écart

Monique Douillet

Depuis mai 2013, le gouvernement a chargé sept agences de la région de Fukushima de favoriser le retour des habitants dans les villages évacués. 10 mois après, on apprend qu’elles ont aidé au retour de... 18 personnes.

Pour la rentrée scolaire 2014 (qui se fait en avril), le nombre d’inscrits dans la province de Fukushima est en baisse de 80 % depuis 2011.
En dépit de ces faits, la décision d’ouvrir les écoles dans les communes où le retour est jugé possible par les autorités a été maintenue. A Iwaki, on est passé de 551 enfants inscrits avant l’accident à 4 aujourd’hui. A Namié, sur 1930 enfants on en retrouvera 58. A Miharu, il n’y a aucun inscrit en cours préparatoire. Non seulement les gens ne veulent pas revenir, mais, sur place, la natalité a chuté. Il faut dire que la vie dans cette région est particulièrement difficile !
Un reportage de l’agence Reuters indique qu’à Koriyama, à 50 km des réacteurs, les enfants de moins de trois ans ne doivent pas être dehors plus de 15 minutes par jour, ceux de 3 à 5 ans, pas plus d’une demi-heure. Les autorités estiment qu’il est possible, en faisant attention, de rester au-dessous des limites fixées pour la radioactivité.
Mais qui mesure la radioactivité ?
Selon le Japan Times il y a, dans la province de Fukushima, 530 appareils de mesure de la radioactivité mis à la disposition du public pour vérifier la dose présente dans la nourriture. Pour plus de 2 millions de personnes !
Les habitants du district de Miyakoji, où il sera possible de revenir en avril 2014, estiment que le niveau de décontamination est insuffisant et que les services sur place ne seront pas assurés (manque de commerces et de personnel médical). En dépit de la mise en place d’une prime de 3200 € destinée à combler cette carence, incitant les aides-soignants à venir travailler dans la province de Fukushima, trois postes sur quatre ne trouvent pas preneur.

Pourquoi cette précipitation ? Le gouvernement veut faire croire à tout prix à un retour à la normale, mais les faits sont têtus ! Et les annonces loin des réalités. Par exemple, alors que 48 réacteurs à l’arrêt sont théoriquement susceptibles de redémarrer, des autorisations n’ont été demandées que pour 17. Les autres nécessitent des mises aux nouvelles normes trop coûteuses, ou bien — situés sur une ligne de faille — ils ne redémarreront jamais. Sur ces 17 réacteurs, le gouvernement essaie de convaincre d’en démarrer rapidement au moins 2 : ceux de la centrale de Sendaï (province de Kagoshima).

Dans un entretien accordé au journal La Croix, le prix Nobel de littérature, Ôé Kenzaburô explique que les candidats pro-nucléaires ont été élus par les vieux, traditionnellement conservateurs, alors que la majorité des jeunes n’a plus aucune confiance dans le gouvernement. Cela se traduit par une désaffection des votes et un refus de se réinstaller dans les zones soi-disant hors de danger.

Monique Douillet

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