Trois Questions Femmes, hommes, etc. Monde

3 Questions à Fanny Lelong, du Planning familial

L’Espagne s’apprête à voter une loi qui marque une régression historique sur le droit des femmes à l’avortement. En quoi consiste cette nouvelle législation et quelles seront ses conséquences ?


Cette nouvelle loi encadrerait très strictement la possibilité pour les femmes espagnoles d’accéder à une Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) : elle limiterait en effet le recours à l’IVG à 3 situations bien précises (grave danger encouru par la femme, malformation fœtale ou viol, à condition que la femme ait déposé plainte). Elle soumettrait également l’accès à l’IVG pour les mineures à autorisation parentale.
Si la loi est votée par le Parlement, les femmes en demande d’IVG en dehors de ces 3 situations se verront dans l’obligation d’entrer en clandestinité (avec des conséquences potentiellement dramatiques sur leur santé, voire leur vie) ou de partir à l’étranger (pour celles qui en ont les moyens : cette loi ferait donc naître d’importantes inégalités).
Il s’agit d’un retour en arrière dramatique sur le plan politique (il nie le droit des femmes à disposer librement de leur corps) et sur le plan pratique pour les dizaines de milliers de femmes concernées chaque année. Le Planning Familial du Rhône, tout comme le Planning Familial national, et en lien avec de nombreuses autres organisations, a relayé la mobilisation des féministes espagnol-e-s et organisé plusieurs actions de soutien. Nous continuerons à être solidaires des luttes en cours et espérons faire reculer ce texte.

Que se passe-t-il sur cette question au niveau de l’Union européenne ? 
Le 10 décembre 2013, les député-e-s européen-ne-s ont rejeté le rapport Estrela. En quoi consistait ce rapport ?

Il s’agissait d’un « rapport d’initiative » présenté par la députée portugaise en charge de la commission des Droits des Femmes et de l’Egalité des Genres, Edite Estrela : il portait sur la santé et les droits sexuels. Ce rapport pointait la nécessité d’un accès à la contraception, à l’avortement ou encore à l’éducation à la sexualité pour tout-e-s les jeunes partout en Europe. La présentation de ce rapport a donné lieu à une mobilisation des député-e-s européen-ne-s défavorables à l’avortement et à l’égalité femmes-hommes, mais aussi de divers lobbys conservateurs qui ont fait pression par des envois massifs de courriers ou de mails, par exemple pour empêcher que ce rapport ne soit adopté. Finalement, le 10 décembre 2013, c’est une résolution alternative présentée par les partis conservateurs qui a été adoptée, elle stipule que « la définition et la mise en œuvre des politiques relatives à la santé et aux droits sexuels et à l’éducation sexuelle dans les écoles relèvent de la compétence des Etats membres. »
Dans une Europe où des pays comme la Pologne ou l’Irlande continuent à limiter fortement l’accès à l’IVG, on ne peut que le déplorer.
A l’inverse, le rapport Lunacek, qui porte sur l’homophobie et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, a été adopté par le Parlement européen début février. Et bien qu’il ne soit pas contraignant (tout comme le rapport Estrela d’ailleurs), on peut se féliciter de son adoption. 



En France également, malgré quelques effets d’annonce du gouvernement, le droit à l’avortement est fortement fragilisé depuis plusieurs années. Quelle est la situation actuellement ?

Le droit à l’IVG en France ne semble pas menacé au niveau législatif. Cependant, l’accès à l’IVG est effectivement limité dans les faits : les fermetures et restructurations de Centres d’IVG notamment détériorent l’accès des femmes à une IVG dans de bonnes conditions, et empêchent les équipes de faire leur travail de manière sereine. Si des avancées sont à souligner (suppression de la notion de « situation de détresse » dans la loi, meilleur remboursement de l’acte d’IVG en lui-même, mise en place d’un site d’information national de qualité), la France a encore de gros efforts à faire en matière d’accès à l’IVG pour toutes les femmes, comme le souligne d’ailleurs le récent rapport du Haut Conseil à l’Egalité Femmes-Hommes.
Nous restons vigilantes notamment sur les points suivants :
• la prise en charge à 100% de tous les actes médicaux en lien avec l’IVG (y compris par exemple les prises de sang ou les échographies préalables),
• l’accès égalitaire de toutes les femmes, quelle que soit leur situation, à ce droit,
• la question des délais d’attente pour les prises de rendez-vous qui s’allongent sur certains territoires (sur la région grenobloise actuellement par exemple).


Le planning familial est un mouvement présent dans plusieurs villes de France. Plateforme nationale : www.planning-familial.org.

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