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Ecume du jour

Michel Bernard

Né d’un réseau d’échanges de savoirs crée en 1997 par la plasticienne Dominique Perret, le bistrot associatif l’Ecume du jour développe de multiples activités solidaires.

En 2012, 6300 personnes sont venues prendre un verre au bar (sans alcool), visiter une expo, chercher un conseil ou participer à l’une des multiples activités de l’association. Le bistrot est un carrefour culturel, d’information et d’activités. On peut y lire des revues (une bonne vingtaine, dont Silence) ou pour jouer. C’est un lieu d’accueil pour les porteurs de projets alternatifs qui peuvent y bénéficier d’un important réseau de partenaires et du bouche à oreille. C’est enfin un lieu de médiation.
Le bâtiment, loué à un prix modeste en échange de l’entretien, comprend un bar et une salle de resto, un espace de vente en rez-de-chaussée d’environ 100 m2, un étage de la même surface et une grange attenante de 50 m2 avec mezzanine, qui sert de lieu d’exposition et de spectacle.

Echanges réciproques de savoirs

Le réseau d’échanges réciproques de savoirs, à l’origine du projet, compte plus de 200 adhérents (dont deux tiers de femmes). Il est animé par des médiateurs bénévoles qui mettent en relation ceux et celles qui ont besoin de se rencontrer.
Ces savoirs sont également utilisés au sein de l’association pour la mise en place de chantiers éducatifs. pour apprendre à construire un projet ensemble, pour que des jeunes découvrent des activités qui peuvent devenir professionnelles… et pour entretenir les locaux ou améliorer le fonctionnement du jardin partagé (1).

De l’art social

L’art et la culture sont ici considérés comme des vecteurs de citoyenneté. Il s’agit « d’ouvrir à la curiosité des expressions artistiques, éveiller l’attention à ce qui nous entoure, apprendre à parler de ses ressentis, de ses émotions ». Cela peut aider à développer la confiance en soi et déclencher une créativité individuelle et collective.
On va voir des films ensemble et le débat se poursuit au bar. Celui-ci accueille différentes initiatives comme du théâtre abordant des questions sociales (2). En mars, l’Ecume du jour essaie de mettre l’accent sur les femmes avec des sujets assez inédits, comme une soirée tricot… pour les hommes.
Le bar sert de lieu d’exposition pendant le festival de photographie « les Photaumnales ».
Des ateliers sur la consommation se sont tenus avec par exemple comme thème « De quel objet pourrais-je me passer ? »
Un moment fort régulier est la réalisation des invitations pour chaque événement. Pensées avec les artistes, faites le plus souvent avec des matériaux de récupération, elles donnent lieu à un artisanat postal d’une grande créativité.

Le théâtre forum

Le théâtre forum permet de mettre en scène des situations vécues de conflits et d’en chercher les solutions. Cela facilite l’expression des difficultés et des émotions. Une quinzaine de personnes de 18 à 65 ans se retrouvent ainsi depuis 2011 autour de thèmes variés : « Comment bousculer Barbie et Ken », « Comment réagir lorsque l’on est témoin d’une injustice » ou encore « Quelle est ma colère du moment ? »

Santé communautaire

Tout un travail est fait pour que les personnes deviennent actrices de leur santé en pratiquant des échanges sur place, en venant écouter et questionner des praticiens, en développant des connaissances, notamment sur la prévention, en favorisant la solidarité entre les habitants. La santé est présentée comme quelque chose de positif dont il convient de prendre soin. Un coin santé, à l’étage, permet d’assurer la confidentialité lorsque cela est nécessaire (3). Ceci est animé par le collectif Choisis ta santé qui existe depuis la fondation du lieu.
Des ateliers portent aussi sur la manière de cuisiner équilibré (et pas cher), offrant une occasion de manger ensemble. Des ateliers de massage ont été développés pour accueillir des femmes victimes de violences conjugales. Des ateliers sont organisés spécifiquement pour les jeunes.
Le thème de la parentalité a initialement vu le jour à la demande de femmes. Puis les hommes y ont manifesté leur intérêt et différents débats ont été mis en place pour parler, par exemple, des stéréotypes de sexe, des parents célibataires, du divorce, de l’adolescence… (4).

Le jardin gourmand

Le jardin gourmand est un jardin partagé de 1700 m2 sur un terrain prêté par la ville. Outre la production de légumes, il accueille aussi un lieu d’expérimentation pour essayer de relier ce jardin aux différentes autres activités de l’association.
De nombreux ateliers s’y délocalisent à la belle saison. Le jardin est découpé en parcelles collectives et parcelles individuelles. Les récoltes servent en premier lieu aux ateliers de cuisine et aux repas collectifs. Une partie de la production est offerte à des personnes en difficulté financière et le reste est réparti entre ceux et celles qui s’y sont beaucoup investis. Ce point fait l’objet d’un débat collectif à chaque période de récolte.

Economie sociale et solidaire

L’Ecume du jour participe à différentes activités extérieures en lien avec l’économie sociale et solidaire. Elle dispose d’une échoppe où l’on vend des produits solidaires notamment issus du commerce équitable.
Nouveautés depuis un an : des soirées musicales, une soirée lecture où chacun vient lire des extraits de livres qu’il aime ; des soirées « tertulia » pour pratiquer l’espagnol ; des repas « circulinaire » avec la présence de gens du cirque ; des interventions en extérieur avec des « porteurs de paroles » pour faire réagir à des questions d’actualité, collecter des avis… puis animer des soirées.

Fragilités

Les ressources proviennent en partie du bar, de l’échoppe, de prestations extérieures (buffets, formation, ateliers d’écriture…) mais, principalement, des aides pour les emplois et de différentes subventions liées aux activités.
Actuellement, l’association a du mal à équilibrer ses comptes du fait de la baisse des subventions. C’est pourquoi elle a lancé des appels à élargir le bénévolat et organisé des ventes aux enchères d’objets offerts, présenté une demande de reconnaissance d’intérêt général pour pouvoir collecter des dons avec déduction fiscale… En 2012, il y avait sept salariées. En 2013, plusieurs contrats aidés n’ont pas pu être renouvelés et l’effectif est descendu à quatre personnes. C’est l’investissement bénévole qui permet de poursuivre au mieux cette pépinière d’initiatives solidaires.

M. B.

• Ecume du jour, 5, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 60000 Beauvais, tél : 03 44 02 07 37, www.ecumedujour.org

(1) Les rencontres du réseau ont permis d’aider des jeunes à lancer quelques entreprises : cordonnerie sociale, pâtisserie orientale, vente de produits exotiques, réutilisation de matériaux textiles…
(2) Compagnie de la Yole, Compagnie de l’Envol…
(3) Les demandes touchent à un peu tout : vie affective, contraception, sexualité, conduites addictives, alimentation, maladies, médecines naturelles, parentalité, médiation familiale, violences…
(4) Pour 99 mères qui ont participé à ces ateliers en 2012, on compte aussi 38 pères, 26 couples et 71 jeunes (36 filles et 35 garçons).

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