Article Fukushima Nucléaire

La lutte mondiale des Japonaises

Marie Barral

La chaîne humaine du 9 mars 2013 contre le nucléaire était organisée par Sortir du nucléaire et Yosomono-net. Yosomono signifie « étranger » et Yosomono-net est le jeune réseau de militants de la diaspora mobilisés sur un thème qu’ils estiment sans frontière : la sortie rapide du nucléaire. Présentation par deux de ses co-fondatrices, Yûki Takahata et Haruko Sakaguchi.

Comment et pourquoi Yosomono-net s’est constitué ?

Yûki : Suite à l’annonce du redémarrage de la centrale d’Ohi, l’été dernier, des associations ont invité la diaspora à faire remonter les revendications auprès des ambassades. Notre groupe de ressortissants en France a créé Yosomono-net afin de répondre rapidement aux appels à mobilisation suivants et porter la voix des habitants de Fukushima dans le monde. Le réseau fédère aujourd’hui des groupes d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Italie, de Suisse, des Pays-Bas, d’Amérique du Nord... En France, nous co-organisons des rassemblements mensuels avec Sortir du nucléaire Paris, militons pour que les criminels de la catastrophe de Fukushima soient jugés (1) ou contre la construction et le redémarrage de la centrale nucléaire d’Oma fin 2012.

Qui porte la contestation au Japon et quelles connections avec la diaspora ?

Haruko : En France et au Japon, ce sont essentiellement des femmes qui se sont mobilisées les premières : mères souvent en charge des courses, elles sont sensibles aux questions de radiation. Parmi le mouvement actif des « Femmes de Fukushima qui disent non au nucléaire », la plupart n’étaient auparavant pas militantes. Leur mouvement s’est étendu à tout le Japon. Enfin, des citoyens ordinaires manifestent tous les vendredis contre le nucléaire devant le cabinet du Premier ministre.
Yûki : Depuis fin 2011, une vigie permanente est installée devant le ministère de l’économie et de l’industrie, à Tokyo. Survivant malgré les menaces de l’extrême droite et de la police, ce « village des tentes » est une espace de débat et lieu de rendez-vous pour les militants japonais.

Quelle est la légitimité de la diaspora dans la contestation japonaise ?

Haruko : Il y a une tradition japonaise à considérer que votre histoire est terminée avec cette île quand vous en sortez : nous sommes doublement étrangers. Ainsi, après le 11 mars 2011, alors que nous étions mieux informés que les habitants du Japon, certaines personnes réagissaient mal à mes propos inquiets.
Yûki : Dans ce pays peu contestataire, où le poids de la communauté est fort (particulièrement dans la région rurale de Fukushima), les premiers écoliers qui remplaçaient le repas de la cantine par des lunch-box étaient stigmatisés. Inquiètes, les mères se sentant isolées ont commencé à partager leurs interrogations sur le net (en sachant qu’un tiers de la population de la préfecture de Fukushima n’est pas connecté). De plus, les grands journaux ont mis un certain temps avant d’enquêter sur la catastrophe. En général, ils ont commencé par relayer, sans enquête ni analyse, les propos des dirigeants.
Haruko : Depuis, la situation a changé : les petites filles de Fukushima disent qu’elles ne pourront jamais avoir d’enfants...
Le problème nucléaire est sans frontière, la solution aussi. Pour effectuer leurs propres mesures de radioactivité, les citoyens japonais ont notamment bénéficié de matériel et d’expertises de laboratoires français indépendants comme l’association pour le contrôle de la radioactivité de l’ouest (Acro) ou la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), créée après la catastrophe de Tchernobyl.

Propos recueillis par Marie Barral

(1) Publié en juillet 2012, le rapport de la commission d’enquête mandatée par le Parlement japonais désigne des responsables de la catastrophe de Fukushima. Au Japon, plus de 13 000 plaignants demandent au Procureur du tribunal de la région de Fukushima de mettre en examen les responsables.

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