Article Général Nord-Sud

Ethnocide : héroïnes indigènes

Pendant des décennies, les femmes indigènes ont connu les expulsions, la peur, le meurtre et le viol. Elles ont souffert de l’humiliation infligée par des gouvernements qui perpétuent l’idée qu’elles sont « arriérées » et qu’elles vivent encore à « l’âge de pierre ». Avec la spoliation de leurs terres et devant un avenir de plus en plus incertain, elles ont perdu leur estime de soi et le sens de la vie.
Si cette galerie relate l’histoire tragique que vivent les femmes indigènes, elle met aussi en avant le courage et l’inspiration dont elles font preuve pour récupérer leurs terres et faire respecter leurs droits fondamentaux.

L’ONG Survival soutient les peuples indigènes par des campagnes d’opinion. Elle agit dans trois domaines : l’éducation, les campagnes et la recherche de fonds et leur offre aussi une tribune pour s’adresser au monde.

Survival : 18 rue Ernest et Henri Rousselle 75013 Paris
Tel : 01 42 41 47 62
www.survivalfrance.org

Textes adaptés de Joanna Eede


4 - Elizabeth ’Tshaukuesh’ Penashue, Innu de 84 ans, Canada

Pendant de nombreuses années, Elizabeth a organisé une marche de printemps à travers les montagnes de Mealy, afin de reconnecter les jeunes Innu à l’environnement dans lequel leurs aînés ont vécu pendant près de 8000 ans.
« Je ne veux pas voir mes enfants perdre tout. Je ne veux pas les voir perdre leur identité, leur culture et leur vie. Avant que je ne m’en aille, je dois instruire les enfants. Si personne ne le fait, que vont-ils penser quand ils grandiront ? Penseront-ils : Je ne suis pas innu, je suis blanc ? »
© Elizabeth Penashue

6 - Leonor Zalabata, leader arhuaco, Colombie
Leonor est entrée en contact avec Survival dans les années 1990, lorsque les forces armées de la guérilla d’extrême gauche avaient installé un campement en territoire arhuaco et avait soumis la population à une extrême violence. De nombreux leaders arhuaco furent assassinés. Malgré ces dangers constants, Leonor a consacré sa vie à dénoncer les abus perpétrés contre les Indiens de Colombie. Elle a activement participé au Groupe de travail et au Forum permanent sur les peuples autochtones des Nations-Unies.
« La Sierra Nevada de Santa Marta… est le cœur du monde. C’est là que nos esprits se trouvent. Lorsqu’une fille naît, nous disons dans notre culture que la montagne rit et que les oiseaux pleurent. »

14 - Soni Sori, institutrice adivasi, Inde
Soni Sori a été une fervente critique du gouvernement indien, des maoïstes et des compagnies sidérurgiques comme le groupe Essar. Elle a été violée et torturée alors qu’elle était en garde à vue, sous l’accusation de servir d’intermédiaire entre les maoïstes et le groupe Essar. Soni est incarcérée depuis octobre 2011, accusée d’un crime sans preuves. « En me torturant, espérez-vous pouvoir résoudre la question du mouvement naxalite (maoïste) ? » a écrit Soni dans une lettre au président de la Cour suprême.
« Je veux retourner chez moi et aider mon peuple. Je veux mettre mon éducation à profit pour l’aider à se défendre. Si nous n’apprenons pas à parler pour nous-mêmes, nous disparaîtrons. »

13 – Boa Senior, dernière locutrice bo, océan indien
On estime que les ancêtres de Boa Senior et des autres tribus des îles Andaman dans l’océan indien font partie des premières vagues de migrations humaines d’Afrique. Boa Senior est décédée en 2010. Près de 55 000 années de pensées et de connaissances — l’histoire collective d’un peuple entier — ont disparu avec elle.
« Ils ne me comprennent pas. Que puis-je faire ? S’ils ne me parlent pas maintenant dans notre langue, que feront-ils une fois que je serai morte ? N’oubliez pas notre langue, emparez-vous d’elle. »


17 - Des femmes bushmen, Afrique australe

Les Bushmen peuvent prétendre être le peuple « le plus indigène » du monde, ayant vécu sur leurs terres plus longtemps que quiconque. Dans les années 1980, on a découvert que la Réserve centrale du Kalahari (CKGR) recelait les plus riches gisements de diamants du monde. Entre 1997 et 2002, presque tous les Bushmen ont été expulsés de leur terre et déportés dans des camps de relocalisation en dehors de la réserve où non seulement ils ne pouvaient plus maintenir leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs, mais subissaient l’humiliation d’un racisme fortement ancré dans la société dominante. « Comment des créatures de l’âge de pierre peuvent-elles continuer à vivre ainsi à l’âge des ordinateurs ? » s’était étonné l’ancien président botswanais Festus Mogae. Plusieurs familles bushmen sont maintenant retournées dans la réserve, mais les harcèlements et les intimidations continuent.
« Laissons-les nous traiter de primitifs. Laissons-les nous reprocher d’être un peuple vivant encore à l’âge de pierre. Notre mode de vie nous convient. Nous avons vu leur développement et nous ne l’aimons pas » dit une femme bushman.

16 – Petit Papillon, fillette awá, Amazonie brésilienne
Petit Papillon vit dans un village situé à 30 minutes de marche de la frontière, là où, jour et nuit, les colons détruisent et brûlent les arbres de la forêt. L’avenir de Petit Papillon est bien compromis, à moins que les terres des Awá ne soient protégées de toute urgence et leurs droits respectés. Les Awá sont l’une des deux dernières tribus nomades de chasseurs-cueilleurs du Brésil. Depuis des siècles, leur mode de vie est en parfaite symbiose avec la forêt et les animaux qui y vivent. Ils sont si familiers avec leur environnement que les femmes awá n’hésitent pas à prendre soin des bébés singes orphelins en les allaitant.
Pour les femmes de la tribu des chasseurs-cueilleurs awá le statut d’égalité avec les hommes est normal. Certaines femmes awá ont même plusieurs époux, une pratique connue sous le nom de polyandrie.

8 – Une femme nenets devant son chum dans la péninsule de Yamal, Sibérie
Le territoire que les Nenets occupent depuis plus d’un millénaire est une étendue reculée, battue par les vents, au pergélisol entrecoupé de rivières sinueuses et de petits arbustes. Durant l’hiver, la température peut descendre jusqu’à -50°. Les Nenets font alors paître leurs rennes sur les pâturages de mousse et de lichen des forêts du sud, ou taïga. Durant les mois d’été, les femmes rangent leur campement et migrent vers le nord avec leur famille. Aujourd’hui, leur mode de vie est gravement affecté par l’exploitation pétrolière et le changement climatique. Leurs routes migratoires sont perturbées par les infrastructures liées à l’extraction des ressources ; les routes représentent des obstacles difficiles à franchir pour les rennes et la pollution menace la qualité des pâturages.
« Le renne est notre maison, notre nourriture, notre chaleur et notre moyen de transport », rapporte une femme nenets.

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