Trois Questions Femmes, hommes, etc. France

3 Questions aux auteures du livre « Contre les publicités sexistes »

Qu’est-ce que le publisexisme ? Toutes les publicités à connotation sexuelle sont-elles sexistes ?

Le publisexisme, c’est l’ensemble des images commerciales exposées dans l’espace public qui font appel aux stéréotypes de la virilité ou de la féminité. Ces images sont nombreuses, car les publicitaires, pour être efficaces, s’appuient sur des clichés, notamment sexistes. Nous pensons que ces identités masculines et féminines stéréotypées maintiennent la hiérarchie sociale entre hommes et femmes (ce que l’on appelle le patriarcat). Les formes du sexisme publicitaire varient : dictature de la beauté, corps féminins offerts, « exotisés » ou ridiculisés, érotisation ou minimisation des violences faites aux femmes. Le publisexisme concerne aussi les hommes : ils sont représentés comme virils, insensibles, dominants… C’est aussi le mépris affiché des sexualités non hétérosexuelles. Le message central reste que nous devons obéir aux diktats de la féminité ou de la virilité dans notre apparence et notre comportement.
Non, la connotation sexuelle n’implique pas obligatoirement une dimension sexiste, y compris dans la publicité. La plupart du temps pourtant les publicités à connotations sexuelles mettent en scène des personnages stéréotypés et un érotisme sexiste qui ne sert pas la liberté sexuelle, c’est-à-dire une émancipation en dehors des carcans qui enferment les hommes et les femmes dans des rôles figés.

Quelles évolutions constatez-vous ces dernières décennies et années concernant le sexisme dans la publicité ?

Les stéréotypes ont connu une certaine évolution mais ils sont toujours aussi puissants. Les modèles de virilité paraissent plus variés, mais il s’agit toujours d’un rôle supérieur et plus actif par rapport aux femmes, et les images du couple ne sont pas égalitaires. En ce qui concerne les femmes, les stéréotypes de la ménagère et de la mère naturellement « maternante » paraissent en retrait, mais ils sont très présents. Les publicités qui utilisent l’humour misogyne sont également très nombreuses. Dans l’ensemble, depuis une vingtaine d’années, on a vu apparaître une surenchère et un esprit de provocation. L’érotisme est plus clairement affiché et les allusions à la pornographie de plus en plus explicites se généralisent. Dernièrement, on a vu quelques images plus respectueuses des homosexuels car ces derniers représentent une “cible”, mais les clichés homophobes sont toujours vivaces. L’une des évolutions principales, c’est le développement d’une publicité en direction des ados et des préados avec un discours sexiste très agressif : le marketing conditionne les filles et les garçons à adopter des réflexes, des comportements et une consommation qui serait spécifique à leur sexe. On le constate dans les revues destinées exclusivement aux filles, qui véhiculent les mêmes obsessions que celles qui s’adressent aux femmes : la minceur, la beauté, la recherche d’un petit ami..., bref la volonté de se conformer au regard masculin.

Quelles sont les résistances ?

D’abord, il est essentiel de prendre la publicité au sérieux et de ne pas minimiser son impact et l’influence qu’elle exerce sur nous. Elle n’est pas anodine et l’absorption passive des affiches publicitaires, des annonces dans la presse et des spots télé et Internet matraqués quotidiennement façonne notre esprit. Cette prise de conscience permet d’envisager une résistance.
Légalement parlant, chacun-e peut déposer une plainte officielle auprès du jury de déontologie publicitaire censé être indépendant. Or, il est nommé par l’Agence de régulation professionnelle de la publicité, constituée... de publicitaires.
La contestation directe est une des meilleures manières de se faire entendre. Individuellement, on peut exprimer ouvertement son rejet de ces messages, dans la rue, dans les transports, et inscrire ses commentaires sur les affiches. Collectivement, on peut diffuser des tracts pour contester des campagnes, contacter les annonceurs et les médias qui les diffusent, ou même aller voir directement les agences de publicité. Décrypter les publicités sexistes, les parodier, encourager l’esprit critique chez les plus jeunes sont aussi des actions utiles pour neutraliser ces messages qui jouent un rôle important dans notre société sexiste.

• Contre les publicités sexistes, Sophie Pietrucci, Aude Vincent, Chris Vientiane, éd. L’Echappée, 13 €.
Site du Collectif Contre le Publisexisme : publisexisme.samizdat.net

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