Dossier Sciences Société Technologies

Internet : il y en a qui résistent !

Marie-Pierre Najman

Au pliage de Silence, nous avons demandé : « Qui a choisi de ne pas avoir internet ? » Quatre personnes sur une quinzaine se sont signalées. En fait, toutes l’utilisaient, mais « sans se laisser déborder »...

« Je sens que je serais toujours à envoyer des messages, nous dit Frédéric, alors j’utilise internet à la bibliothèque ou au boulot. » Chantal ne se connecte que de temps à autre, chez ses ami/es. « Je n’ai pas d’ordinateur, explique Mariette, rencontrée à la médiathèque. Je ne fais des recherches qu’ici, où je peux imprimer et me faire aider. Je m’envoie mon travail par courriel et, avec une clé USB, je le récupère dans un cybercafé. » Jamais d’ennui technique pour qui ne possède pas le matériel. Comme le téléchargement est impossible à sa médiathèque, Kathy n’envoie que des courriels sans fichier. Elle remarque qu’autour d’elle, « on est dans une logique de possession, ou alors on n’utilise pas internet ». Peut-être que « ça fait un peu pauvre de se connecter ici, mais il faudrait encourager ce choix qui utilise mieux les ressources », et puis « ça ferait augmenter la fréquentation des médiathèques qui est en baisse générale en France ».
Alain, lui, consulte ses courriels au siège des associations auprès desquelles il est engagé, mais deux fois par jour seulement — il s’y tient !

Chronophage, labyrinthique et agressif

Car internet est un redoutable chronophage. Christophe, qui consulte à l’extérieur ses cinq boîtes mail « gratuites », déplore le temps passé à éliminer les pourriels.
« Si j’avais internet, je ne sortirais plus de chez moi, pressent Chantal. J’en vois tellement qui perdent la notion du temps, scotchés à leur ordinateur... » Un ressenti clairement éprouvé par Alain : « On voudrait me le payer, mais pour moi c’est de l’esclavage, comme le mobile, que j’avais avant. A cause de mon emploi du temps, de mes engagements sur trois associations, je ne peux pas faire plus. Si j’ai internet, je vais papillonner. »
« J’en ai besoin pour mes études, regrette Pascale, mais j’aimerais bien être libérée. »
Et pour cause : internet est aussi un labyrinthe.
« Ne me dis pas d’aller chercher ce nom sur internet, il y a trop de réponses », jette un plieur à sa voisine. Et puis, « avec toutes ces fenêtres, ces couleurs, ces machins qui clignotent, ça vous crie dans les yeux ! »

De la ruse au collectif ?

Quand on cherche un boulot, comme Alain ou Frédéric, il faut savoir ruser. « J’ai postulé rien que pour de la ‘com’, et ils croient que j’ai internet... » Et si nos deux amis résistent, c’est qu’internet « ça manque d’intimité », « on nous fait croire que c’est libre, alors que c’est fliqué ». Il y a eu WikiLeaks, mais « c’est le pot de terre contre le pot de fer ». Et « le pire, c’est l’aspect commercial partout » sans compter le mensonge du « tout le monde expert ou tout le monde artiste »...
Plusieurs abonné/es à internet s’étonnent de pouvoir partir un ou deux mois en vacances et de ne plus penser sans arrêt à « relever leurs courriels » ou à « vérifier tel ou tel truc ». Hélas, « l’addiction revient vite ». A quand des clubs de désintoxication ?
La plupart des non-abonné/es n’ont pas la télé non plus. Pour Frédéric, « ça va ensemble ». Pour Chantal, le rejet du « fil à la patte » est global : « Je n’ai d’abonnement à rien ». Pas même à Silence ? « Ah si, évidemment. Mais ce n’est pas envahissant, Silence, ça ne s’impose pas, ça permettrait plutôt de penser... » D’où son nom, n’est-ce pas ?
MPN

Quelques références

A lire
• La Convivialité, Ivan Illich, Seuil, coll. Points essais, 158 pp., 2003 (1975)
• Comment Google mangera le monde, Daniel Ichbiah, L’Archipel, 263 pp., 2007
RFID : la police totale, puces intelligentes et mouchardage électronique, Pièces et main d’oeuvre, L’Echappée, 78 pp., 2008
• Dans la revue L’Ecologiste, n° 33 (hiver 2010), « Métaux : comment éviter la pénurie ? » par le centralien Philippe Bihouix et « Google vous filme, le savez-vous ? » par Thierry Jaccaud
• « L’école à l’époque de son reconditionnement technologique », Florent Gouget, bulletin Notes & morceaux choisis n° 10, La Lenteur, 2010
• La Pensée PowerPoint, enquête sur ce logiciel qui rend stupide, Franck Frommer, La Découverte, 259 pp., 2010
• Rêveurs, marchands et pirates, Que reste-t-il du rêve de l’Internet ?, Joël Faucilhon, Le passager clandestin, 159 pp., 2010
• Ecologica (recueil d’entretiens et d’articles), André Gorz, Galilée, 158 pp., 2008

• Le rapport Ecotic de 2009 est téléchargeable ici : http://etos.it-sudparis.eu/rapports/Rapport_Ecotic.pdf
• Le rapport d’Enertech : « Projet Remodece - Mesure de la consommation des usages domestiques de l’audiovisuel et de l’informatique » est disponible sur http://www.energiepositive.info/data/document/remodece_rapport_final.pdf
• « Internet libre ou minitel 2.0 », Benjamin Bayart, sur fdn.fr

A consulter pour leurs conseils et pour agir
www.eco-info.org (Groupe de travail « écologie et TIC » du CNRS)
www.greenpeace.org/france (Plusieurs campagnes en train et un « guide pour une high-tech responsable »...)
www.recyclage-informatique.net (Où recycler près de chez soi)
www.framablog.org (mouvement du « libre », actualité critique d’internet)
• et, pour les germanophones, www.pcglobal.org (suivi de la production et du recyclage en Asie)

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