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Voyages savoureux

Dorothée Fessler

La gorge en feu, les mains jaunes de curcuma et l’odorat exacerbé, voilà quelques-unes des surprises que nous réservent les saveurs du bout du monde, sans quitter sa cuisine. Du riz basmati légèrement safrané au couscous cumin accommodé de quelques pois chiches et raisins sultanine, ou encore une poignée de haricots rouges pimentés et un savoureux dessert à la cardamome et déjà nous aurons goûté un peu du Maghreb, du Chili et de l’Inde.

Nous oublions souvent que cette grande diversité qui compose nos assiettes a parcouru des distances remarquables pour le plaisir de nos papilles. Les livres de cuisine « exotiques » couvrent des mètres linéaires dans les librairies, mais omettent souvent un cours de géographie et d’agriculture qui nous permettrait de mieux comprendre l’origine ou la rareté d’un produit. Et surtout de partager un peu d’histoire de la culture de ces peuples qui travaillent dur et souvent n’ont même pas la possibilité de goûter ce qu’ils produisent pour nous ! Partageons nos recettes et astuces culinaires entre voisins et proches, chacun pouvant apporter ses connaissances qu’il aura rapportées de voyage – réel celui-ci – ou d’une tradition familiale. Des recettes locales nous en disent long sur l’histoire du pays, du terroir et nous apportent une lecture plus vivante du paysage.

Outre la convivialité et la générosité, ces repas laissent une place égale à chacun.
Le voyage autour de la table

Le voyage autour de la table peut être amené de différentes façons. Un repas entièrement composé de plats traditionnels d’une région (du monde ou de la France) ou au contraire un assortiment de plats d’origines diverses préparés par chaque convive ; des plats au choix de chacun mais d’une couleur unique, un type de plats remis à toutes les sauces, par exemple potages et soupes (aux orties, au chocolat, chauds, froids…). Cela peut même devenir un jeu de devinettes.
De nombreux événements peuvent être prétexte à initier un repas dans son village, son quartier ou son immeuble. Cela peut être l’arrivée d’un nouveau résident (et plutôt que d’espérer qu’il en ait l’initiative, pourquoi ne pas lancer l’idée !), un départ, un événement local, les élections, le printemps et même le début ou la fin de ses vacances. Si l’audace n’est pas au rendez-vous pour organiser un premier repas, il est toujours possible de s’en remettre à la date nationale des repas de quartier fixée au premier vendredi du mois de juin chaque année. Largement médiatisés, ces repas de quartier qui se déroulent simultanément dans toute la France ont pris un air de fête qui devrait décider les plus frileux à y participer (1).
Outre la convivialité et la générosité, ces repas laissent une place égale à chacun. Ils peuvent impulser de nombreuses initiatives et un esprit d’entraide dans le groupe de « voisins ». La non-connaissance de l’autre conduit parfois à la peur ou la méfiance de l’autre et renforce l’individualisme, le « chacun pour soi » qui s’est transformé en « chacun sa voiture », « chacun son aspirateur », « chacun sa tondeuse à gazon », etc. Partager un repas avec ses voisins va permettre d’apprécier leurs différences plutôt que de les craindre, et de révéler les aspirations et les besoins communs des uns et des autres. Cela peut conduire au prêt d’outils, à l’organisation d’un cours de guitare, à la création d’une coopérative ou tout bonnement à échanger un sourire et quelques informations locales lorsqu’on se rencontre.

Dorothée Fessler

(1) Voir : « Repas de quartier », Carrefour culturel Arnaud-Bernard, Toulouse 2001 et 2003.

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