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Voyages à la carte

Dorothée Fessler

« Parcourir des atlas et rêver d’autres lieux, c’est déjà pleinement voyager » Franck Michel.

Les premières cartes médiévales comportaient seulement les tracés rectilignes de parcours (indications visant d’ailleurs surtout des pèlerinages), avec la mention d’étapes à effectuer (villes où passer, s’arrêter, loger, prier, etc.) et de distances cotées en heures ou en jours, c’est-à-dire en temps de marche. Aujourd’hui, le plus souvent destinées à un usage automobile, elles indiquent surtout des distances kilométriques, l’importance des routes par le jeu de couleurs (jaune pour les départementales, rouge pour les nationales) et quelques logotypes à vocations pratiques et touristiques : camping, restauration… Mais le développement du tourisme de loisir a contribué à éditer de nouveaux types de cartes en collaboration avec l’Institut géographique national (IGN) en ce qui concerne la France. Ces cartes sont disponibles à des échelles allant du 1/25 000e au 1/100 000e à destination des randonneurs cyclistes et-ou piétons. Elles permettent, outre des déplacements facilités pour ces modes de transports « doux », une lecture très précise des territoires.

Imaginer, parcourir, raconter, inventer, recommencer sans fin…

Il est ainsi possible d’imaginer un paysage grâce aux nombreuses indications de courbes de niveaux, de couleurs correspondant à des types de cultures ou de végétations, mais aussi grâce aux noms des lieux-dits qui sont évocateurs à la fois de la faune et de la flore, notamment des arbres (« le Poirier », « Pommiers », « les Pins »), mais aussi des métiers pratiqués et du passé artisanal ou industriel (« les Forges », « la Tuilerie »). Les cartes IGN dites de série bleue (1/25000e) peuvent ainsi nous faire voyager pendant plusieurs heures rien qu’en observation. Elles sont également très utiles pour mieux connaître le territoire dans lequel on vit. Cette lecture de cartes nous apporte à la fois des renseignements sur la géographie mais aussi sur l’histoire du pays. A chacun ensuite de les compléter, voire de créer ses propres cartes en fonction de nouvelles découvertes, d’éléments qui revêtent une importance à ses propres yeux. Par exemple, il peut être intéressant de repérer des « coins » à champignons, un châtaignier fabuleux ou encore la présence d’un chien quelque peu agressif devant une ferme… Pour approfondir la connaissance de notre territoire de vie, on peut aussi rechercher d’anciennes cartes et par comparaison comprendre l’évolution, notamment du cadre bâti.
Les cartes de l’IGN présentent l’avantage d’être « justes » (1) : c’est-à-dire qu’elles ne représentent que la réalité observée à un moment précis (l’année de relevé figure sur la carte) et permettent ainsi à chacun de partir d’une même réalité pour se construire une nouvelle lecture du paysage en fonction de ses intérêts personnels. Les organismes de tourisme proposent également parmi moult dépliants touristiques des cartes de randonnées, mais celles-ci sont souvent agrémentées de photos qui faussent la vision réelle de l’espace concerné, car elles mettent forcément en valeur ce qui est le plus esthétique et font l’impasse sur d’autres passages moins attractifs pour le « touriste ». « C’est un des rôles spécifiques de l’activité touristique que de faire inlassablement, parfois avec acharnement, l’inventaire des ressources et leur mise en valeur, jusqu’à ce qu’elle débusque un ’génie du lieu’ communicable au visiteur. Le tourisme sert ainsi souvent de révélateur de l’identité et des qualités d’une culture locale ; a posteriori, il en constitue aussi le moyen de financement » (2).
Ces voyages « à la carte » que tout un chacun peut imaginer, parcourir, raconter, inventer, recommencer sans fin commencent à notre porte et ne nécessitent qu’une bonne paire de chaussures.

Dorothée Fessler

(1) Contrairement aux cartes routières où les routes sont surdimensionnées.
(2) In Tourisme culturel, Origet de Cluzeau, PUF n° 3389, 2000.

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