Dossier Environnement Transports

Les dégâts de la voiture en campagne

François Schneider

Si la voiture créé des pollutions en ville, elle pose tout autant de problèmes à la campagne.

Tandis que la voiture en ville commence à être honnie par certains, la perception à la campagne est tout autre. Quoi de plus innocent qu’une voiture campagnarde. L’image commence bien sûr avec la petite 2CV pleine de boue parcourant les chemins de terre, symbole du retour à la nature…
Pourtant, loin des images poétiques, la voiture et le transport routier en général ont une responsabilité énorme au niveau de la destruction de nos paysages, au niveau de l’effet de serre, de la pollution, de la mortalité des humains mais aussi des animaux écrasés, de la consommation d’espace, au niveau de l’inégalité planétaire, de la consommation d’énergie. Je ne rentrerai pas dans les détails. Il y a de nombreux articles sur le sujet, mais il semble que les problèmes des transports soient maintenant au premier plan des problèmes écologiques. Ce sont les problèmes qui augmentent sans cesse (1) et pour lequel les solutions sont les plus ardues. Alors attachons-nous au cas campagnard : la voiture de la campagne est-elle moins responsable ?

Voitures des villes, voitures des champs

Les voitures campagnardes parcourent plus de distance en moyenne que les voitures urbaines. D’un côté elles sont moins sujettes aux embouteillages qui n’est pas une allure ayant le meilleur rendement énergétique, d’un autre côté elles sont souvent plus puissantes, vont plus vite, en effectuant parfois des dénivelés plus importants. Si les voitures urbaines polluent la campagne, les voitures de la campagne visitent aussi la ville. Si les voitures de la campagne affectent peu les utilisateurs eux-mêmes, en regard de l’usage intensif qui en est fait, elles créent une pollution importante. Pour ce qui est de l’effet de serre, cela a été chiffré : elles ont clairement un impact des plus important.
Les voitures campagnardes demandent beaucoup plus d’espace de route et chemins de terre, surtout quand l’habitat est isolé. Elles contribuent donc à une plus grande part de la destruction des paysages.
En relation à la distance parcourue, l’hécatombe se déroule à la campagne. Les voitures à la campagne sont plus dangereuses car, contrairement à la ville où le danger est visible, on est souvent trompé par un faux sentiment de sécurité en se promenant sur les bords d’une route calme à la campagne. Au niveau des animaux écrasés, l’impact est beaucoup plus important à la campagne, et pourrait en fait surpasser le nombre d’animaux tués par les chasseurs (2).
Pour ce qui est de la contribution à l’inégalité planétaire, les campagnards occidentaux ayant un taux de motorisation des plus élevés, contribuent à ce niveau à une plus grande inégalité planétaire. Les campagnards occidentaux peuvent donc faire des efforts à ce niveau. La perception à ce sujet est bien souvent inverse : on veut dans une fuite en avant démocratiser par le haut. Jean Viard nous explique ainsi que « si on ne démocratise pas la mobilité, c’est une nouvelle carte des inégalités qui se dessine », mais comment sera le monde quand tous les gens de la planète feront 30 km par jour ? (3).

Malgré une perception opposée, chaque voiture campagnarde semble créer des problèmes au moins aussi importants que chaque voiture en ville.

Au niveau de la perte des services, le faible peuplement de la campagne est beaucoup plus sensible à une destruction de sa clientèle qui ira par exemple plutôt acheter au supermarché, qu’en ville où il restera toujours quelques services, étant donnée la
densité. C’est ainsi que de nombreux petits villages n’ont plus aucun service ou commerce suite à l’arrivée de la voiture.
On pourra aussi citer la destruction des chemins de terre par les passages de voitures et engins agricoles en créant des nuages de poussière, des jets de flaque d’eau et de la boue. Ceci rend la vie plus difficile aux piétons et cyclistes et crée de l’érosion. On pourra aussi ajouter la destruction des surfaces perméables par l’asphalte (4) et la pollution des plantes cultivées ou sauvages aux alentours de la route. L’utilisation de bio-carburants — déjà utilisés par quelques militants « écologistes » — risque de répandre la monoculture de tournesol ou de colza qui ne sera sans doute pas biologique.
Malgré une perception opposée, chaque voiture campagnarde semble créer des problèmes au moins aussi importants que chaque voiture urbaine. Les problèmes des transports routiers augmentent d’autant plus avec cette propension des gens à habiter dans des endroits de plus en plus isolés.
La voiture à la campagne nous fait perdre un lien important avec notre environnement immédiat qui nous fait alors fermer les territoires avec des murs et des barbelés (voir l’isolement des autoroutes). Vivre sans voiture à la campagne a par contre le potentiel de nous reconnecter avec notre environnement immédiat, développant par exemple une connaissance des plantes ou une découverte des vieux cheminements piétonniers.

François Schneider

(1) L’augmentation du trafic automobile est actuellement expliquée par l’allongement des déplacements quotidiens qu’a entraîné la péri-urbanisation, Jean-René Carré, Ecomobilité, INRETS/PREDIT mai 2003.
(2) www.bikecult.com.
(3) Jean Viard, le bonheur est dans la maison, propos recueillis par M.G., le Monde initiatives, juillet-août 2003.
(4) Les routes créant des passages rapides d’eau en cas d’orage, elles ont un rôle non négligeable dans la multiplication des inondations et des glissements de terrain. Ce phénomène n’est pas que rural : les villes inondées comme Sommières (Gard) peuvent en témoigner.

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