Trois Questions Aliments transgéniques Santé

3 Questions à Guillaume Tumerelle, avocat des Faucheurs volontaires

1) Le 14 mai 2014, la cour d’appel de Colmar a relaxé les faucheurs volontaires qui avaient arraché, le 15 août 2010, 70 pieds de vignes transgéniques cultivés en plein air par l’INRA de Colmar. En quoi cette relaxe en appel est-elle une décision exceptionnelle ?
Cette décision est remarquable à plus d’un titre. Les faucheurs volontaires ont par le passé obtenu plusieurs relaxes, mais ces décisions avaient toujours été sanctionnées en appel. C’est donc la première relaxe prononcée par une cour d’appel. Cette relaxe est un signe très fort et témoigne d’une évolution de nos juridictions.
La cour sanctionne l’INRA dans les termes les plus clairs pour l’insuffisance de son dossier de demande d’autorisation de l’essai en plein champs. La cour précise que l’INRA se contente d’affirmations nullement étayées par la moindre donnée scientifique alors que les textes imposent au demandeur de fournir effectivement, et non par une simple pétition de principe, les éléments d’information permettant d’évaluer l’impact de l’essai sur la santé publique et l’environnement. La cour a donc annulé l’autorisation de l’essai en plein air du fait des carences manifestes de l’INRA. L’essai n’étant pas légalement autorisé, le délit de destruction d’un essai autorisé n’était pas constitué et la cour prononçait une relaxe sur le délit de « fauchage ». La cour a retenu une simple violation de domicile mais a prononcé une dispense de peine. L’avocat général a formé un pourvoi en cassation.
2) Quelles sont les conséquences possibles de cette décision sur les autres dossiers en cours et sur les futures luttes sur le sujet des OGM ?
L’État pourrait s’inspirer de la motivation de la cour d’appel de Colmar pour constater la défaillance des processus d’évaluation et poursuivre le renforcement de la réglementation OGM. Dans la continuité de l’arrêté du 14 mars 2014 interdisant à titre préventif toute culture et commercialisation du maïs OGM MON 810 en raison de risques non évalués pour l’environnement. L’État devrait en toute logique étendre ces mesures à toutes variétés rendues tolérantes aux herbicides (VTH) qui de fait présentent des risques non évalués. Les outils juridiques existent et doivent être utilisés.
Cette jurisprudence de Colmar pourrait inciter d’autres juridictions à s’emparer du principe de précaution pour contrôler davantage le bon respect de l’environnement et de la santé humaine.
Depuis quelques années, les industriels modifient leurs pratiques en utilisant par exemple la mutagénèse qui permet de produire des plantes génétiquement modifiées rendues tolérantes aux herbicides et pourtant exclues de la législation OGM. Les faucheurs ont dénoncé ces pratiques "d’OGM cachés" non évalués qui pourraient être sanctionnées par les tribunaux.
Enfin, cet arrêt aurait dû constituer un électrochoc pour le monde scientifique qui devrait sécuriser davantage ses pratiques dans l’intérêt général. Il ne semble pas que cela soit le cas. Ainsi, la réaction de 12 instituts prestigieux de recherche quelques jours seulement après publication de l’arrêt a été de déclarer que des essais en plein air tel que celui de l’INRA de Colmar "sont la seule façon de recueillir des preuves scientifiques sur la réalité des effets que les OGM peuvent avoir sur les êtres humains, les animaux et l’environnement" ! Les scientifiques dénigrent donc la décision de justice au lieu d’en tirer un juste enseignement. De toute évidence, le cadre juridique des expérimentations doit être renforcé.
3) Cette décision aura-t-elle des conséquences possibles sur des luttes concernant d’autres sujets que les OGM ?
La dégradation de la santé, de l’environnement et de notre cadre de vie passe avant tout par la prévention. Il est souvent impossible de dépolluer, de décontaminer, de soigner ou de remettre les choses en l’état. D’où la création juridique du principe de précaution. Ce principe a été totalement dévoyé par l’action de lobbies industriels.
Dans son arrêt, la cour de Colmar indique que l’INRA devait s’assurer de l’innocuité de son essai avant de le passer en milieu non confiné. La cour redonne donc toute sa valeur au principe de précaution. La portée de cette décision peut donc être très large et cette jurisprudence pourrait être transposée à de nombreux cas dans lesquels est observée une carence de prévention (médicaments, nucléaire…). Cette décision démontre que les outils juridiques existent, il reste aux politiques et aux magistrats de s’en saisir dans l’intérêt général.

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer