Dossier Climat Effet de serre Environnement

Copenhague : un sommet de plus pour le capitalisme « vert »

Christian David

Les découvertes de l’effet de serre, puis de la crise climatique, constituent une rupture dans l’histoire de l’humanité, au même titre que l’invention de la bombe atomique. Ces deux évènements menacent notre survie. Le changement climatique comporte les conséquences funestes de notre envie de dominer le monde : nous sommes en réalité tous perdants.

Le changement climatique, c’est notre mort à petit feu qui nous attend si nous n’apportons pas une réponse à la hauteur. Et cette menace pour la survie de l’humanité ne pourra pas être seulement enrayée par des mesures techniques nous évitant une hausse de la température moyenne pouvant dépasser les 6 degrés au 21e siècle, selon le scénario le plus pessimiste du GIEC (1). Nous avons besoin d’autres réponses que celles apparues jusqu’à présent, toutes mues par l’idéologie néolibérale, qui nous dicte des comportements de compétition ainsi qu’une marchandisation de toute activité humaine.

Des solutions adaptées à la course économique…

Les résolutions des sommets internationaux consacrés au changement climatique, comme celui de Kyoto (2), étaient déjà totalement inadaptées à la crise climatique. L’instauration d’un marché des permis d’émettre des gaz à effet de serre, entre Etats, a transformé notre atmosphère en un objet de commerce, alors que c’est notre bien commun vital. Mais le Grenelle de l’environnement enferme encore davantage la question climatique dans l’idéologie libérale. Celle-ci est clairement proclamée dans les actes de ce même Grenelle : le groupe de travail n° 6 est intitulé « promouvoir des modes de développement écologique favorables à la compétitivité et à l’emploi ». Il y a une évidence qu’il est bon de rappeler ici : la compétition engendre puis aggrave les inégalités. Mais surtout, le Grenelle réduit les solutions à des mesures techniques, au mépris des questions sociales.

Loupe : la crise climatique va aggraver le problème du partage des ressources, en particulier en eau et en terre arable.

…mais pas aux réalités sociales

C’est dans un monde affecté par d’exceptionnelles disparités de revenus et de ressources que nous observons les premiers effets de la crise climatique (fonte des glaces près du pôle Nord avec les conséquences sur les Inuits, canicules, sécheresses, inondations…). Alors que certains individus gagnent à eux seuls plus d’argent qu’il n’en rentre dans les caisses de certains états, 800 millions de personnes souffrent de la faim, 3 milliards de carences alimentaires. L’accès à l’eau potable et à la nourriture n’est garanti que pour une partie de la population : la plus fortunée.
Ces inégalités vont être aggravées par les conséquences du changement climatique. Les Inuits habitant les régions les plus proches du pôle Nord subissent et connaîtront tout au long du 21e siècle le réchauffement le plus rapide du monde, qui affecte et affectera les activités de la pêche dans ces régions. Les disparités existent et s’aggraveront dans bien d’autres régions du monde.
Pendant que les pays riches prennent des dispositions face aux premiers effets du changement climatique comme les canicules, les habitants des pays pauvres seront (et sont peut-être déjà ?) les plus touchés par les sécheresses et/ou inondations résultant de la crise climatique (3). D’une façon générale, cette crise va aggraver le problème du partage des ressources, en particulier en eau, et en terre arabe : une sécheresse prolongée peut transformer l’humus en désert. Ce dernier mécanisme est à l’origine de l’extension du Sahara. Chaque seconde, dans notre monde, environ un hectare de terre arable est transformé en désert. Ces disparitions de terre arable contribuent à détruire davantage le peu d’autosuffisance alimentaire des pays pauvres. De telles pénuries ne seront pas compensées par les exportations des excédents agricoles des pays riches. Rappelons que, dans une économie de marché, seuls les clients solvables sont alimentés, les aides internationales relevant d’actions caritatives et non de pratiques instituées.
Et, dans les régions du monde faiblement autoproductrices en denrées agricoles, les exportations agricoles des pays riches détruisent ce peu d’autosuffisance alimentaire. Car les paysans des régions pauvres, concurrencés par les exportations (souvent subventionnées) des pays riches, ne peuvent plus écouler leur marchandise et arrêtent leurs petites exploitations. Aucune aide internationale, aussi nécessaire soit-elle, n’enrayera les dégâts du changement climatique au niveau des carences alimentaires. Que cela soit clair : la remontée des famines, que l’on constate actuellement dans notre monde, va être aggravée.
Ces pénuries alimentaires seront (sont ?) une des raisons incitant des êtres humains à quitter leur terre, pour migrer vers d’autres zones moins dégradées, voire avantagées. Cela pourrait être le cas de l’Europe du Nord. Les simulations du climat des prochaines décennies pour cette région de notre monde font état d’une augmentation des précipitations, conjuguée à une hausse des températures qui rendra le climat plus doux, ce qui devrait offrir de nouvelles possibilités à l’agriculture.

Réfugiés climatiques

L’exacerbation de toutes ces inégalités risque d’inciter de nombreux êtres humains à émigrer. Il pourrait y avoir 250 millions de réfugiés climatiques en 2050. Il y en a sans doute déjà aujourd’hui, sans que personne ne s’en aperçoive. Le statut de réfugié climatique n’est pas défini dans le droit international. Et, en cette première décennie du 21e siècle, la tendance reste à la fermeture des frontières des pays riches vis-à-vis des populations des pays pauvres...
Une des conséquences de l’exacerbation de toutes ces inégalités pourrait être le développement de graves conflits pour le partage des ressources. Une des formes possibles, ce sont les révoltes, mais cela n’exclut pas le recours à des moyens militaires s’il s’agit de se disputer l’eau, qui risque de manquer au rythme où nous la gaspillons. Nous serions encore un peu plus perdants, chacune et chacun d’entre nous, et bien sûr aussi collectivement, si nous laissions les guerres s’étendre et redevenir mondiales.

Conflits ou coopération ?

La notion du plus fort, déjà obsolète depuis l’invention de la bombe atomique, est rendue caduque par la crise climatique. Ces deux menaces que nous avons créées peuvent faire disparaître l’humanité du monde qui l’héberge. Ce nouveau contexte doit nous inciter à changer de modèles sociaux, en privilégiant, cette fois, la complémentarité plutôt que la compétition. C’est pourquoi nous avons tout intérêt à nous associer pour combattre ces inégalités. Cela peut commencer à se faire (et se fait déjà en partie) par de petites structures comme les AMAP ou les SEL (4). De telles initiatives privilégient d’autre part souvent les circuits courts, ce qui réduit les transports et donc les gaz à effet de serre. Mais c’est l’apprentissage de la complémentarité qui est le principal intérêt de ces structures ; cette éducation à des rapports humains d’égal à égal doit s’étendre, au moyen de jeux coopératifs et aussi par une modification des projets éducatifs et professionnels, en s’inspirant des coopératives .
Mais, pour nécessaires qu’elles soient, ces alternatives ne peuvent pas se passer d’une résistance internationale contre cette répétition de sommets mondiaux sur le climat, basés sur le libéralisme, comme à Copenhague fin 2009. Un contre-sommet est prévu fin 2009 (5). C’est dans cette perspective que sont organisés les camps action-climat. Voilà beaucoup d’initiatives pour nous réapproprier l’avenir de notre climat, et plus généralement de notre monde pour que ce dernier nous autorise à vivre des relations qui permettent à l’humanité de poursuivre son évolution.

Christian David

(1) Groupement intergouvernemental des experts sur le climat. Il regroupe plusieurs milliers de chercheurs… dont les publications sont faites avec l’aval de leurs Etats respectifs. Voir www.ipcc.ch.
(2) Le protocole de Kyoto, ouvert à ratification en mars 1998, est entré en vigueur en février 2005. Il fixe des objectifs à atteindre pour chaque Etat en fonction de son niveau d’émission en 1990.
(3) Il faut bien comprendre qu’une pluie diluvienne alimente moins les nappes phréatiques qu’une pluie fine donnant la même quantité d’eau, mais étalée dans le temps. Et que, ainsi, des inondations sont parfois incapables d’enrayer les sécheresses avec lesquelles elles alternent.
(4) AMAP : Association pour le maintien d’une agriculture paysanne ; SEL : Système d’échanges locaux.
(5) Voir le site www.climatjustice.org

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