Trois Questions Agriculture biologique Alternatives

Abeille : 3 questions à H. Clément, de l’UNAF (Union nationale des apiculteurs de France)

Henri Clément

A l’heure de la disparition massive des abeilles, quel est l’état des lieux de la situation ? En quoi jouent-elles un rôle de "sentinelles de l’environnement" ?

L’abeille existe sur notre planète depuis plus de 60 millions d’années. Elle a supporté, sans aucun préjudice, tous les bouleversements climatiques.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, elle subit de plein fouet les effets de certains produits phytosanitaires. La surmortalité est avérée dans de nombreuses régions en France mais aussi de par le monde. Comme aux Etats-Unis en Californie où la production des amandes a chuté de 30% ou en Caroline du Sud la production de concombres a chuté quant à elle de 50%.
Selon le CNRS et l’INRA si les abeilles disparaissent, c’est 65 % des plantes agricoles qui sont menacées, soit 35 % de notre alimentation. Les cultures maraîchères et fruitières dépendent par exemple à 90 voire à 100 % des abeilles. L’abeille participe à 85% de la pollinisation des espèces à fleur dans le monde ce qui représente un coût direct de plus de 153 milliards d’euros.
L’abeille est le témoin de la qualité de l’environnement au sein duquel elle évolue. La situation est paradoxale : l’abeille se porte mieux en ville que dans nos campagnes en raison d’absence de produits phytosanitaires, d’un climat plus doux, et d’un enchaînement de floraison souvent plus régulier.
L’UNAF a décidé de sensibiliser le grand public par l’opération « Abeilles, sentinelle de l’environnement ». Depuis 2005, de nombreuses collectivités et entreprises sont engagées à nos côtés pour la préservation de la biodiversité.

Quelles sont les causes de cette disparition ?

Les causes sont multiples : L’usage des pesticides et produits phytosanitaires, les parasites, les pathologies, le frelon asiatique (Vespa Velutina) venu d’Asie, les changements climatiques et environnementaux.
Si les surmortalités sont dues à des causes multiples et si des synergies existent entre elles, il convient de hiérarchiser ces causes.
De la même manière, l’utilisation de certains fongicides ou herbicides alliés à des insecticides peut accroître de manière spectaculaire la toxicité de ces derniers (plus de 1000 fois). L’abeille ainsi intoxiquée verra ses défenses naturelles réduites à néant.
Les pesticides restent donc la cause principale de cette surmortalité. L’apparition des insecticides neurotoxiques systémiques a été catastrophique. Ces molécules restent présentes dans les végétaux et dans les sols et les eaux durant plusieurs années ce qui va à l’encontre du développement durable annoncé.
Les apiculteurs ont réussi à faire suspendre l’utilisation du Gaucho sur le tournesol puis sur le maïs, et du Régent sur toutes cultures. En revanche le Gaucho est toujours utilisé sur les betteraves et les céréales à paille et la rémanence de la molécule continue à induire des effets toxiques sur les populations d’abeilles.
Un nouveau produit dénommé Cruiser, malgré son profil toxicologique éminemment dangereux pour l’environnement et des conditions d’utilisation spécifique est autorisé sur le maïs en France. Autorisé en France par reconnaissance mutuelle avec l’Allemagne où à la suite de graves intoxications d’abeilles ce produit a été retiré. C’est le cas également en Italie et en Slovénie.

Quelle est la situation de l’apiculture, et quelles sont les pistes pour réagir ?

Partout dans le monde, les abeilles disparaissent de manière brutale et massive.
Les productions diminuent et le « risque des mortalités » reste présent dans les esprits des apiculteurs chaque printemps malgré leur expérience et savoir-faire.
Les conséquences pour l’environnement et l’agriculture sont dramatiques.
La responsabilité dans la disparition des populations de butineurs du modèle agricole actuelle productiviste est évidente. Dans le monde entier des chercheurs travaillent également sur les causes ponctuelles en étudiant les parasitoses et autres maladies. Certes, des espaces tampons sont mis en place sous forme de jachères fleuries (d’ailleurs parfois avec des espèces inadaptées à l’environnement) ou sous forme de corridors plus ou moins étendus, espérant ainsi préserver un stock suffisamment important de biodiversité pour faire face à des enjeux ultérieurs. Cependant, ces solutions apparaissent trop souvent comme des opérations de communication tendant à occulter des dysfonctionnement majeurs. L’association Agir pour l’environnement devrait lancer cet été une campagne sur le sujet.

• Union nationale de l’apiculture française, 26, Rue des Tournelles, 75004 Paris, tél : 01 48 87 47 15.
• Agir pour l’environnement, www.agirpourlenvironnement.org.

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