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L’efficacité énergétique, nécessaire mais pas suffisante

Michel Bernard

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié le 19 octobre 2018 un document de prospective sur le potentiel de l’efficacité énergétique. Elle conclut que même avec un doublement de l’activité économique d’ici 2040, la hausse de la consommation énergétique pourrait être la même du fait du potentiel des améliorations tout au long de la chaîne de la consommation électrique.

Dans ce document, les émissions de gaz à effet de serre connaîtraient un pic avant 2020 pour ensuite baisser de 12 % d’ici 2040. Pour arriver à ce résultat, l’AIE insiste sur la nécessité de réorienter les investissements dans le sens de l’efficacité énergétique avec un doublement des budgets d’ici 2025 puis encore un doublement d’ici 2040. 60 % de ces investissements se feraient dans le bâtiment (chauffage, équipements électriques, etc.).
Or, nous sommes loin d’un tel scénario : en 2017, au niveau mondial, l’efficacité énergétique a fait l’objet d’un investissement de 236 milliards de dollars, un chiffre en baisse de 3 % par rapport à l’année précédente, quand 280 milliards ont été investis dans les énergies renouvelables par exemple (1). C’est dans les pays émergents que le potentiel est le plus fort, car les mesures étant pour l’instant minimes, les gains possibles sont plus importants que dans des pays où la recherche d’efficacité est déjà en place depuis de nombreuses années.

Pousser dans le sens d’un scénario plus écologique

Si au lieu de doubler l’activité économique comme dans le scénario de l’AIE, on prévoyait seulement une activité au même niveau qu’aujourd’hui, on aurait la possibilité non pas de stabiliser la consommation d’énergie, mais de l’orienter à la baisse. Cela se traduirait dans des pays du Sud dépendant fortement du charbon par une baisse importante des besoins en énergies fossiles et une baisse rapide de la pollution. Quant aux pays occidentaux où l’efficacité énergétique est déjà plus élevée, il serait néanmoins possible de fermer centrales thermiques et nucléaires sans avoir à déployer trop de mâts éoliens ou de surfaces de capteurs solaires.
Cela signifie concrètement qu’à côté des initiatives citoyennes ou de collectivités en faveur des énergies renouvelables, il faut tout autant, sinon plus, se mobiliser pour les économies d’énergie. Il est tout à fait inquiétant de voir aujourd’hui que l’on est capable de drainer des fonds pour construire éoliennes et champs solaires alors que nous sommes toujours limité·es pour la réhabilitation des bâtiments existants. À quand des campagnes citoyennes en faveur de la rénovation des « passoires énergétiques » ?
Ce n’est que lorsque nous consommerons nettement moins et que cesseront la menace nucléaire et les émissions des centrales thermiques, qu’il sera logique de lutter contre l’implantation de nouvelles éoliennes, lesquelles pourront toujours être démontées lorsque nous aurons développé une plus grande sobriété énergétique.

Michel Bernard

(1) https://www.iea.org/wei2018

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