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Où en sont les luttes contre les Center Parcs ?

La coordination Center Parcs, Ni Ici, Ni Ailleurs (CP NINA), regroupe des collectifs, des associations et des individus qui contestent les projets d’implantation des Center Parcs de la société Pierre & Vacances en Isère, en Saône-et-Loire et dans le Jura.

La coordination Center Parcs Ni Ici, Ni Ailleurs (CP NINA) dénonce la destruction des milieux naturels et la privatisation des biens communs (forêts, zones humides), la réduction des zones rurales à des bulles tropicales pour touristes, le chantage à l’emploi, le gaspillage d’argent public (communes, conseils départementaux, régions) en faveur d’un opérateur privé, la multiplication des "Grands Travaux Inutiles". En bref, la NINA combat autant l’artificialisation de la nature que la marchandisation du monde et des individus.
Silence a interrogé des opposant·es à ces trois projets qui prennent la parole sur l’actualité de leurs luttes et sur leurs perspectives.

Le Rousset, Saône-et-Loire

C’est en 2012 que l’on a commencé à entendre parler d’un projet de Center Parcs en Saône-et-Loire, porté par les élu·es du Conseil départemental avec Arnaud Montebourg à leur tête. Vint ensuite une longue phase de recherche pour son emplacement et de négociations avec le promoteur d’immobilier touristique Pierre & Vacances jusqu’à l’annonce. Printemps 2014, le choix s’est porté sur la petite commune du Rousset, ses 250 habitant·es, sa forêt, ses étangs.
Un collectif d’opposant·es, le Geai du Rousset, se créa rapidement en réunissant des associations environnementales aussi bien que d’autres mouvements ou personnes voulant résister à l’essor du tourisme industriel. En 2015, le grand débat organisé officiellement pendant plusieurs mois par la Commission nationale du débat public fut l’occasion de découvrir plus à fond les caractéristiques du Center Parcs projeté et d’affuter les arguments.
Débat tendu entre "écolos" et défenseu·ses de l’emploi et du développement économique à tout crin. Il se termina par une sorte de statu quo. Pierre & Vacances renonçait à confirmer ses intentions tant que les recours contre le Plan Local d’Urbanisme (PLU) déposés par des associations devant le tribunal administratif de Dijon seraient en cours. La reconnaissance par les juges des dommages potentiels qui menacent les milieux humides et la zone Natura 2000 proche du site convoité serait un lourd handicap pour le dépôt du dossier du parc de loisir.
Un acteur important du dossier est la région Bourgogne–Franche-Comté qui envisage de financer en grande partie les équipements de loisirs et même d’en devenir propriétaire… pour les louer au promoteur qui les exploiterait ! Une avance avec
retour non garanti sur 20 ans si aucun retournement des goûts et des habitudes touristiques n’intervient d’ici là.
La région est attentive aux rapports de forces juridiques et de terrain que le collectif d’opposant·es et toutes ses composantes réussissent à créer ; elle n’a pour l’instant signé aucun nouveau protocole d’accord avec Pierre & Vacances depuis que celui conclu en 2014 est périmé.
Il reste donc possible qu’aucun bulldozer n’entre dans la forêt du Rousset pour venir la saccager au nom des loisirs "nature" !

Poligny, Jura

Infrastructure similaire à celle envisagée en Saône-et-Loire, le Center Parcs devant être implanté dans le Jura est lui aussi à l’état d’intention et nous espérons qu’il en restera là.
Depuis 2008 et les tractations entre la multinationale Pierre & Vacances et la municipalité de Poligny, les choses ne se sont pas arrangées pour les tenant·es de l’aménagement du territoire et les champion·nes de la privatisation du domaine public. Tout d’abord, une association, Le Pic Noir, a en 2014 dénoncé les pourparlers se déroulant alors en catimini sans que les habitant·es du secteur concerné ne soient alerté·es du projet.
L’année suivante, le Collectif Jurassien d’Opposant·es à Center Parcs s’est constitué afin de consolider l’opposition à Center Parcs par des modes d’action complémentaires. Il a pu dénoncer, par un boycott actif, la Commission nationale du débat public officiant à l’acceptabilité du projet polinois ainsi qu’à celui du Rousset.
Grâce aux actions menées (journées d’information, création d’une coordination et édition de documents) et à l’opposition croissante, les travaux (dont le démarrage était initialement prévu lors du deuxième trimestre 2017) n’ont toujours pas commencé, chose tout à fait réjouissante.
Plus récemment, l’appellation de Center Parcs disparaît du Schéma régional de développement du tourisme tandis qu’un descriptif lui correspondant en fait partie et un décret passé le 29 décembre 2017 autorise les préfets de Bourgogne-Franche-Comté “à déroger aux normes réglementaires”.
Alors, que penser ?
Qu’il faut continuer à être sur nos gardes et prêt·es à ne pas laisser passer Center Parcs, où que ce soit !

Roybon, Isère

La lutte contre le Center Parcs de Roybon, en Isère, a déjà plus de dix ans. Le projet de la compagnie Pierre & Vacances, annoncé en 2007, vise la forêt communale roybonnaise de 220 hectares. Les arguments de la création d’emplois et du développement économique de la région par le tourisme sont alors employés comme arguments massue.
Mais le projet est rapidement contesté sous plusieurs aspects : en tant qu’artificialisation d’un territoire encore peu industrialisé, comme privatisation et marchandisation d’un bien commun, la forêt, et parce qu’il porte une grave atteinte à une aire naturelle protégée (sur les 220 hectares de forêt, la moitié sont considérés
comme zone humide).
Malgré les recours et l’avis négatif du rapporteur de l’enquête publique, les travaux de défrichement démarrent à l’automne 2014. En quelques semaines une occupation permanente se met en place pour empêcher ce carnage.
Les actions en justice débouchent à l’été 2015 sur la suspension de l’autorisation préfectorale de travaux, car les associations ont réussi à démontrer que Pierre & Vacances ne dispose pas de la surface de zones de compensation requise selon la loi pour pouvoir détruire une zone humide (le double de ce qui est détruit, et sur le même bassin versant).
Quoi que l’on pense de ce principe de compensation d’un espace naturel par un autre, qui permet la destruction de forêts entières tant que les responsables en "créent" ou "restaurent" d’autres dans les environs, cette victoire juridique a donné du souffle à tout le mouvement de lutte contre le Center Parcs de Roybon.
Pierre & Vacances a fait appel de ce jugement, mais il a été confirmé en décembre 2016 par la cour de Lyon, qui donnait même davantage raison aux opposant·es en déclarant que la compagnie devrait revoir son système d’évacuation des eaux usées, qui menace de nombreuses sources d’eau potable.
Dernier recours possible pour Pierre & Vacances : le Conseil d’État. Le dossier concernant les zones humides est actuellement en train d’y être étudié.
Pendant tout ce temps la vie sur la zone occupée s’est organisée : les habitats s’améliorent en permanence, on cultive des jardins et on s’occupe d’animaux, parmi tant d’autres choses. Cet espace est enrichi chaque jour par les rencontres et les apprentissages multiples que l’on y fait.
N’hésitez pas à aller vous balader en forêt par là-bas !

Plus d’infos sur zadroybon.wordpress.com
Un contact : foret.occupee.roybon@riseup.net.

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