Numéro 464 - février 2018


Semences vivantes, graines d’autonomie

Face à l’accaparement mondial des semences par quelques firmes multinationales, de nombreuses initiatives et résistances apparaissent pour cultiver la biodiversité et la souveraineté alimentaire. La dimension collective de ces réseaux de semences vivantes est au coeur de ce dossier qui nous fera croiser paysan·nes et jardinier·es et découvrir l’expérience de cette ferme-école au Liban qui sème des graines d’autonomie alimentaire au coeur d’une région en crise.

Dossier

Semences vivantes, graines d’autonomie

Faire vivre la diversité des blés

En Rhône-Alpes, un groupe de paysan·nes travaille depuis 2004 pour reprendre en main collectivement le maintien, la sélection et la culture de variétés paysannes de céréales.

Le droit : s’y conformer ou le contourner ?

Les plantes deviennent une somme d’informations génétiques que l’on peut bricoler, breveter, vendre… à souhait. Il est donc important de lutter à la fois contre cette approche du vivant et contre le phénomène d’enclosure juridique qui l’accompagne.

La controverse chez Kokopelli

L’association Kokopelli diffuse depuis plus de 17 ans des semences de variétés libres de droits. Son image de lutte (contre les OGM, pour les semences libres, etc.) laissait présager un soin particulier porté aux conditions de travail de ses salarié·es. Pas si sûr…

Une ferme-école pour l’autonomie alimentaire au Liban

Un collectif d’agricult·rices syrien·nes, libanais·es et français·es a créé une formation en agro-écologie au Liban, qui vise à mettre à profit ces techniques pour résister à la guerre et former des réseaux de travailleu·ses et d’agricult·rices.

Des semences libres près de chez vous

Dans la Loire, autour de Roanne, Grainothèque : semences libres en Roannais rassemble des semeuses et semeurs de tous niveaux pour mettre leurs pratiques en commun et chercher les chemins d’une autonomie semencière collective.

Articles

Politiser la cause animale

Les traitements infligés aux animaux dégradent aussi notre humanité. Dès lors, il est urgent de faire entrer la cause animale en politique nous explique Corine Pelluchon, auteure du récent Manifeste animaliste

L’élevage face aux normes : la résistance s’organise

Une dizaine de personnes à l’origine du Collectif des agriculteurs et agricultrices contre les normes ont appelé à des rencontres nationales les 28 et 29 Octobre 2017 organisées à Cenves dans le Rhône.

La non-violence dans la révolution syrienne

Un livre coédité par Silence vient mettre en lumière l’importance de la résistance civile dans les premières années de la révolution syrienne.

Nos poubelles pleines de Kafka ?

La Métropole grenobloise veut installer des poubelles intelligentes et une police de l’environnement. Ces mesures ouvrent la porte à plein de situations kafkaïennes à propos de nos poubelles.

La liberté est l’affaire de tou·tes

L’Observatoire de l’état d’urgence a collaboré avec la dessinatrice Mirion Malle pour dénoncer les dérives de l’état sécuritaire. Deux planches de BD rappellent qu’il est plus que jamais nécessaire de monter au créneau pour défendre les droits et les libertés fondamentales contre l’instauration d’un état d’urgence permanent qui risque de saper les fondements de la démocratie au prétexte de défendre celle-ci.

Espoirs et limites de l’autogestion au Rojava

Au nord de la Syrie, dans la région du Rojava reprise aux djihadistes, une expérience inédite de confédéralisme démocratique inspiré des idées de l’écologie sociale est expérimentée depuis 2014. Pinar Selek livre ici son regard vigilant sur cette expérience politique.

Refuzniks

Le photographe Martin Barzilai a réalisé une série de 47 portraits percutants, photographiques et écrits, de citoyen·nes d’Israël ayant refusé de servir dans l’armée de leur pays.

Chroniques

Bonnes nouvelles de la Terre : La ferme urbaine où les jeunes en rupture reprennent leur vie en main

Nucléaire, ça boum ! : Le nouveau traité d’interdiction des armes nucléaires

Brèves

Alternatives • Vélo(rution) • Environnement • Climat • OGM • Société • Femmes, hommes, etc. • Politique • Santé • Paix • Nucléaire • Nord/Sud • Agenda • Annonces • Courrier • Livres • Quoi de neuf ?

Éditorial

Se faire du blé autrement !

Avant l’avènement de la société industrielle, la semence était un bien commun par excellence. Elle s’échangeait librement, était sélectionnée par les paysan·nes et ne dépendait d’aucune législation. La modernisation et la rationalisation de l’agriculture au 20e siècle ont mis à mal ce statut des semences, qui sont peu à peu devenues la propriété de certain·es au détriment du plus grand nombre. En Europe est apparue un nouvelle profession, celle de semencier. Ce n’est plus le paysan ou la paysanne qui sélectionne et prend soin de ses semences, mais un·e expert·e.

Cette division des tâches a été accentuée par le développement de grandes industries semencières et d’une législation de plus en plus contraignante. En France, depuis 1961, c’est le Certificat d’obtention végétale (COV) qui assure un droit de propriété intellectuelle en agriculture. La semence devient alors une marchandise : il faut l’acheter, et si l’on souhaite la reproduire, il faut payer des royalties (1).

Face à ce processus d’accaparement des graines par des industries semencières qui brevettent la nature, les pas de côté se multiplient et les initiatives qui promeuvent une utilisation libre de la semence fleurissent. Cette lutte se retrouve dans le monde paysan qui se réapproprie semences et savoir afin de promouvoir une agriculture paysanne, comme nous l’expliquent des membres de l’ADEAR (2) de Rhône-Alpes. L’association Graines et cinéma a mis en place un réseau de collecte de semences paysannes de la France vers la Syrie et vient d’ouvrir une ferme-école au Liban pour permettre à la société civile de se lancer dans la production de ses propres moyens de subsistance. Les semences libres sont donc vecteurs d’autonomie et facteur de liens, comme nous le rappelle l’Ami graines en s’appuyant sur l’exemple de la Grainothèque du Roannais.

Martha Gilson

(1) Redevance due au propriétaire d’un brevet.

(2) Les ADEAR sont les Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural. Elles regroupent des paysannes et des paysans, pour majorité membres de la Confédération Paysanne, et d’autres acteurs du monde rural réunis par l’envie de partager leur expérience et leurs savoirs faire pour permettre de maintenir et de faire vivre les valeurs de l’agriculture paysanne.